Nous sommes heureux, simplement,
Sans vain désir, sans vain tourment,
Heureux et sages ;
Nous admirons le jour qui naît,
L’oiseau qui passe et disparaît,
Les ruisseaux au brillants sillages.

Notre village est dans les bois,
La mousse en recouvre les toits,
Et la lumière
Pare tout de ses flots vainqueurs,
Quand le soleil rit dans nos cœurs,
Et dore le ciel et la terre.

Garde-nous comme tes enfants
Les plus sûrs et les plus aimants,
Les seuls qui vaillent,
Ô nature qui nous a pris,
Nous, les poètes incompris,
Les fous que tous les hommes raillent.

Nous trouvons en toi le pardon
De ce trop sincère abandon
Qui nous transporte,
Lorsqu’en des vers graves et doux,
Hélas ! nous livrons trop de nous
À la foule, indigne cohorte.

Le jour n’est pas venu
Où courbés et le front chenu,
N’ayant plus d’ailes,
Nous contemplerons ta beauté
Sans un frisson de volupté,
Nous, tes amants les plus fidèles.

Extrait de « Toute vie a son charme »