"Mur de poésie de Tours" 2003 - Poètes français du passé
LES YEUX
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux,
Et le soleil se lève encore.
Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre ;
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d’ombre.
Oh ! qu’ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n’est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu’on nomme l’invisible ;
Et comme les astres penchants
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent :
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l’autre côté des tombeaux
Les yeux qu’on ferme voient encore.
Extrait de « Stances et poèmes »
SULLY PRUDHOMME
(1839 - 1907)
Sincère et anxieux, il fait partie des parnassiens mais reste un peu à part. Il regrette sa foi perdue mais jamais oubliée. Il restera toujours mélancolique. Il a publié de nombreux écrits en prose dont « De l’expression dans les Beaux-Arts », « La Vraie Religion selon Pascal », « Psychologie du libre arbitre »... Ses œuvres poétiques sont très connues dont « Stances et poèmes », « Les Épreuves », « Les Solitudes », « Impressions de guerre »... Comblé d’honneurs, il est élu à l’Académie française en 1881 puis est lauréat du prix Nobel de littérature en 1901.
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