"Mur de poésie de Tours" 2003Poètes français du passé

 

Lentement, doucement, de peur qu’elle se brise,
Prendre une âme ; écouter ses plus secrets aveux,
En silence, comme on caresse des cheveux ;
Atteindre à la douceur fluide de la brise ;

Dans l’ombre, un soir d’orage, où la chair s’électrise,
Promener des doigts d’or sur le clavier nerveux ;
Baisser l’éclat des voix ; calmer l’ardeur des feux ;
Exalter la couleur rose à la couleur grise ;

Essayer des accords de mots mystérieux
Doux comme le baiser de la paupière aux yeux ;
Faire ondoyer des chairs d’or pâle dans les brumes ;

Et, dans l’âme que gonfle un immense soupir,
Laisser, en s’en allant, comme le souvenir
D’un grand cygne de neige aux longues, longues plumes.

 

Extrait de « Le Chariot d’or »

 

Albert SAMAIN

(1858 - 1900)

 

Né à Lille, Albert SAMAIN est un poète « classique du symbolisme ». Élégiaque, d’une sensibilité mélancolique et parfois maladive, il excella dans la notation d’impressions fugitives, « Au jardin de l’Infante » (1893), « Aux flancs du vase » (1898), « Le chariot d’or » (1901). Il a aussi écrit une pièce de théâtre en vers « Polyphène » (1901) et des contes en prose (1902). Il collabore au Chat noir et participe à la fondation du Mercure de France.