"Mur de poésie de Tours" 2003Poètes français du passé

 

DESSEIN DE QUITTER UNE DAME QUI NE LE CONTENTAIT QUE DE PROMESSES

 

Beauté, mon beau souci, de qui l’âme incertaine
A, comme l’Océan, son flux et son reflux,
Pensez de vous résoudre à soulager ma peine,
Ou je me vais résoudre à ne le souffrir plus.

Vos yeux ont des appas que j’aime et que je prise,
Et qui peuvent beaucoup dessus ma liberté ;
Mais pour me retenir, s’ils font cas de ma prise,
Il leur faut de l’Amour autant que de beauté.

Quand je pense être au point que cela s’accomplisse,
Quelque excuse toujours en empêche l’effet :
C’est la toile sans fin de la femme d’Ulysse,
Dont l’ouvrage du soir au matin se défait.

Madame, avisez-y, vous perdez votre gloire
De me l’avoir promis, et vous rire de moi ;
S’il ne vous en souvient, vous manquez de mémoire,
Et s’il vous en souvient, vous n’avez point de foi.

J’avais toujours fait compte, aimant chose si haute,
De ne m’en séparer qu’avecque le trépas ;
S’il arrive autrement, ce sera votre faute,
De faire des serments et ne les tenir pas.

 

Extrait de « Seconde partie des Muses ralliées »

 

François de MALHERBE

(1555 - 1628)

 

Né à Caen, il fut poète de la cour. Il écrivit tout d’abord dans un style baroque (« Les larmes de Saint Pierre ») puis devint chef de file en préférant à la poésie savante de la Pléiade, un idéal de clarté et de rigueur à l’origine de la poésie classique (« Consolation à Dupérier »).