"Mur de poésie de Tours" 2003 - Poètes français du passé
LA COURONNE EFFEUILLÉE
J’irai, j’irai porter ma couronne effeuillée
Au jardin de mon père où revit toute fleur ;
J’y répandrai longtemps mon âme
agenouillée :
Mon père a des secrets pour vaincre la douleur.
J’irai, j’irai lui dire, au moins avec mes
larmes :
« Regardez, j’ai souffert… » Il me
regardera,
Et sous mes jours changés, sous mes pâleurs sans
charmes,
Parce qu’il est mon père il me reconnaîtra.
Il dira : « C’est donc vous, chère âme
désolée !
La terre manque-t-elle à vos pas égarés ?
Chère âme, je suis Dieu : ne soyez plus
troublée ;
Voici votre maison, voici mon cœur, entrez ! »
Ô clémence ! ô douceur ! ô saint
refuge ! ô Père !
Votre enfant qui pleurait vous l’avez
entendu !
Je vous obtiens déjà puisque je vous espère
Et que vous possédez tout ce que j’ai perdu.
Vous ne rejetez pas la fleur qui n’est plus
belle ;
Ce crime de la terre au ciel est pardonné.
Vous ne maudirez pas votre enfant infidèle,
Non d’avoir rien vendu, mais d’avoir tout donné.
Marceline DESBORDES-VALMORE
(1786 - 1859)
Née à Douai, elle est emmenée par sa mère à la Guadeloupe mais celle-ci y meurt presque aussitôt. Elle devient cantatrice et a un fils qui meurt à 5 ans. Elle épouse ensuite le comédien Prosper Lanchantin, dit Valmore, dont elle aura 4 enfants. Cette femme de lettres française a écrit pendant toute sa vie, principalement des poésies élégiaques (« Élégies et Romances », « Élégies et poésies nouvelles », « Poésies »,« Les Pleurs », « Pauvres Fleurs »). Admirée par Lamartine, Victor Hugo, Baudelaire, elle meurt pourtant seule et oubliée.
|
|
|