"Mur de poésie de Tours" 2002 - Poètes de Touraine

 

BALLADE DU COTEAU DE LA LOIRE À TOURS

 

II s'élève et s'étend au dessus de la Loire,
Notre aimable coteau ; témoin de son histoire,
Le blanc tuffeau sculpté sur des millions d'années
Est encore aujourd'hui constamment retouché.
Il a vu défiler des siècles, des saisons,
Des flux et des reflux, de grandes migrations,
Des monstres cuirassés et des tyrannosaures
Qui criaient au combat leur furie carnivore,
Écrasaient l'ennemi, écrasaient la vallée.
- Plus tard, beaucoup plus tard, la Loire était gelée,
Le coteau accueillit sous l'auvent d'un rocher
La tribu des chasseurs portant un gros gibier ;
Ils riaient, ils pleuraient ! hommes, femmes, petits
Narguant à coups d'épieu la terreur de leurs nuits !
- Puis un soir, l'un d'entre eux, « le fou » sur la falaise
Fit enfin rougeoyer les flammes et les braises ;
Le dieu qu'ils redoutaient leur offrit dans le froid
Sa tiédeur parfumée, sa lumière et sa joie.
- Plus tard vinrent les défricheurs, l'agriculture,
Les grains mis de côté, soupesés dans les mains,
Mais qu'il faut bien un jour confier à la nature ;
Enfin, pour célébrer cette rade aventure,
Les premiers vignerons buvant leur premier vin.

De notre beau coteau au-dessus de la Loire,
On peut voir la cité dans sa plus grande gloire,
Quand le couchant répand sa lumière dorée ;
Les tours de Saint Gatien en sont toutes nimbées
Ainsi que notre pré du coteau ligérien ;

Sur notre cher coteau où fut Saint Symphorien,
(Mais la ville s'étend vers l'étoile du Nord,)
Le pré des Capucins, ancien terrain de sport
Est, depuis quelques mois, livré aux herbes folles
Où chantent les grillons, innocentes bestioles.

Les Capucins ici avaient leur promenoir ;
Le Très saint créateur des êtres et des choses,
Ils le sentaient présent dans le parfum des roses,
Créatures comme eux, et sur ce promontoire
Ils l'adoraient aussi dans la vue grandi-ose.

Delacroix et Turner, à l'aquarelle ou l'huile,
Ont peint l'azur léger, les bateaux et la Loire ;
D'ici des artilleurs ont incendié la ville,
C'est vrai ; mais le spectacle est tellement tranquille
Qu'on oublie un instant les fureurs de l' Histoire.

Sur le terrain de sport une plaie est ouverte ;
Les cendrées et les buts bientôt ne seront plus ;
Nos enfants, maintenant rejetés dans la rue
Vont pleurer en secret leur péri-ode verte,
Et la belle promesse, hélas, jamais tenue.

Fini le pré, finis les rires juvéniles,
Le fric va t-il passer avant la chlorophylle ?
Les grillons, les petits musiciens de la nuit,
Seraient sous le béton, - et notre cœur aussi.

Un germain n'est-il pas un cousin ou un frère ?
De ses frères humains n'a t-il pas le souci ?
Aussi demandons-nous, confiants, à notre maire
Que soit ouvert à tous le pré du belvédère,
Avec les jeux, l'air pur, le Très Haut dans sa gloire,
Sur notre cher coteau au-dessus de la Loire.

 

Automne 2001

 

André SEIGLAN

Tours