"Mur de poésie de Tours" 2002 - Poètes de Touraine

 

MANÈGE

 

Chapeauté de Rose,
Le manège tourne
Au son d’une musique aigrelette.
On y voit :
Un chat blanc, alerte,
Qui a l’air de courir, les oreilles en arrière,
Des chevaux blancs
Qui montent et qui descendent, mais pas en même temps !
La tête tournée vers le public,
Le mors aux dents.
Suit un carrosse bleu et rose,
À baldaquin,
Avec, sur le devant, une tête de diablotin
Qui tire la langue.
Deux barques bien pansues
Qui tanguent…
L’une est rose, l’autre verte.
Un petit zèbre, immobile,
Un cygne immaculé
Aux ailes déployées
Comme les voiles d’un navire
Creusé en son milieu pour y recevoir un tout petit enfant ;
Deux chevaux arabes :
L’un est noir, l’autre blanc ;
- Ils lèvent leurs jolies pattes de devant
Et montrent des fers bien astiqués -
Un couple de coqs verts et rouges, au ventre jaune,
Comme échappés du Chanteclerc, d’Edmond Rostand !
Énormes, magnifiques, insolents…
Un petit cochon rose, fessu, tout brillant,
Une girafe aux grosses taches noires et à la tête fine,
Une toupie emballée dans un rouge tournoiement,
Et des enfants heureux, confiants
Demi-nus, tout bronzés, souriants…
Qui oublient leurs parents…
Essaimés alentour… Admiratifs…
Le manège tourne dans le soleil,
Sur un fond de verdure et de ciel.
L’air sent le nougat et le miel.

Le manège tourne,
Enchapeauté de rose,
Enguirlandé de roses,
Entouré de drapé,
Bordé de pendeloques de verre,
Et de franges dorées,
Retenu, à intervalles réguliers,
Par des têtes de femmes peintes.

Le manège tourne sur le ciel bleu,
Piqué comme une grosse fleur,
Entre les arbres qui ont chaud.
Sur son front, une date : 1883 !

1883, me direz-vous ?
Mais COLETTE aurait pu monter dessus !
Colette, l’intrépide aux longues nattes, comme deux fouets,
En relevant très haut, d’un geste vif,
Son blanc jupon,
Sur des bottines à boutons !

 

Nicole BURFIN

6 rue des Provinces
37300 JOUÉ-LÈS-TOURS

 

Quand je dis Colette, je veux parler de COLETTE, notre grande romancière.