Par un joyeux matin fleuri
Je m'en allais au lac Joli.
Près du chalet de la Réserve,
J'ai vu de savants visiteurs,
Botanistes, guides, chercheurs,
Tous éloquents et pleins de verve,
Accompagnant les promeneurs
Venus pour étudier les fleurs.

Et j'ai suivi, carnet en mains,
Avec mes crayons de couleur.
Mais voici que sur le chemin
J'ai entendu parler les fleurs...

« Moi, disait tout bas l'alchémille,
J'ai eu très peur d'une chenille... »
Le thym soufflait au saxifrage :
« Nous sommes des plantes très sages...
- D'où te vient ta mélancolie ?
A dit le lis à l'ancolie.
- Notre temps est si éphémère !
Lui a répondu l'épervière.
- Et notre teint est si fragile ! »
A reprit l'orchidée, gracile.
Se penchant dans l'air, radieuses,
Je voyais danser les scabieuses.
Quand la gentiane s'éveilla,
Tout doucement elle étira
Sa très douce corolle bleue
Tout imprégnée de l'eau des cieux.

« J'épouserai le papillon ! »
Annonça le lis martagon.
Mais il n'eut pour toute réponse
Qu'un gros soupir de la raiponce.
La violette n'a rien dit,
Et dans les herbes s'est blottie...

« Nous sommes ancêtres des plantes ! »
Dirent les fougères géantes.
Mais l'églantine toute rose
Dit : « C'est moi qui créa la rose
Qui devint la reine des fleurs,
Nulle beauté n'a sa valeur ! »
II se fit un profond silence.
On vit bâiller la grande astrance...

Je crois que j'ai dû faire ainsi...
Depuis deux heures et demie
Les savants étaient repartis.
Quand j'ai glissé dans l'éboulis
En descendant du lac Joli,
Là, toutes les plantes ont ri...

Oui, c'est ainsi dans la Réserve,
On vient, on passe ou on observe.
On rêve bien un peu aussi...
Et on ne rend pas sa copie !
Que l'on soit guide ou promeneur,
On sait ce que disent les fleurs
Qui parlent tant à notre cœur.
Nous sommes là pour les aimer,
Les admirer, les protéger,
Pour que renaissent les printemps
Jusqu'à la fin de tous les temps.