"Mur de poésie de Tours" 2002 - Poètes français du passé

 

FANTAISIE

 

Il est un air, pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui, pour moi seul, a des charmes secrets.

Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cent ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis treize… Et je crois voir s’étendre
Un coteau vert que le couchant jaunit,

Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs.

Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens…
Que dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue ! - et dont je me souviens !

 

Extrait de « Odelettes »

 

Gérard de NERVAL

(1808 - 1855)

 

 

Peinture à la cire de Catherine RÉAULT-CROSNIER illustrant le poème FANTAISIE de Gérard de NERVAL.

Illustré par une peinture à la cire de Catherine RÉAULT-CROSNIER.

 

 

Né à Paris, traducteur prodige du « Faust » de Goethe, il aime écrire en mêlant le rêve à la réalité, le passé au présent (« Voyage en Orient », « Les filles du feu », « Pandora ou Sylvie »). Ses « Sonnets aux chimères » et son roman « Aurélia » le rapprochent de Baudelaire et des surréalistes dans l’inconscience. Sujet à des crises de folie, il passa sa vie d’internement en internement dans la maison de santé du docteur Blanche ; il fut retrouvé pendu dans une rue de Paris, le manuscrit d’ « Aurélia » en poche.