"Mur de poésie de Tours" 2002 - Poètes d'Europe

 

« SA SEULE IDÉE C’ÉTAIT MOURIR… »

 

J’avais pitié d’elle, c’est vrai. Pour un peu, elle m’aurait fait du mal
à moi aussi. S’ils ont tant célébré sa gloire,
c’était parce qu’elle leur évitait d’avoir à agir eux-mêmes. Sur son visage,
ils honoraient leur propre résistance vaincue. Ils se pardonnèrent à eux-mêmes,
se déclarèrent innocents et se tinrent ainsi tranquilles.

Si elle avait vécu, oh sûrement,

ils l’auraient haïe. Sa seule idée
c’était mourir.

 

Extrait de « Ismène »

 

Yannis RITSOS

(1909 - 1990)

 

Marqué toute sa vie par la ruine économique de sa famille, la mort de sa mère et de son frère puis la folie de son père, Yannis RITSOS publie d’abord « Tracteurs » puis « Pyramides », montrant son fragile équilibre entre la foi en l’avenir (idéal communiste) et son désespoir personnel. Dans « Epitaphios », il met en valeur la poésie populaire traditionnelle. Les écrits se succèdent : « Symphonie de printemps », « Le Chant de ma sœur », « Vieille Mazurka au rythme de la pluie », « Veille », « Les quartiers du monde ». Dans ces deux derniers recueils, il parle de sa résistance, de sa déportation dans les îles grecques pour ses idées politiques puis une tendance philosophique se détache de « Quatrième dimension ». Ses poèmes deviennent méditation sur la mort, le temps, l’histoire dont « La Sonate au clair de lune », « La Maison morte »... Déporté une deuxième fois pendant la dictature « des colonels », il crie son cauchemar de tout un peuple puis à partir de 1970, le rêve et le surréel dominent. Dans « Iconostase », il nous confie son message réel et onirique, osant des mots audacieux ou érotiques. Il recherche les métaphores pour se libérer des contraintes de la vie quotidienne.