Le vieux manoir,
Pompeusement appelé « château »
S'élève devant le hameau.
Aux corbeaux sert de nichoir.

Vieux de plusieurs fois cent ans,
Il dresse encore dans le ciel,
Deux vieux pignons,
Deux vieux moignons
Torturés par les ans,
Harcelés par les vents,
Lessivés par la pluie.
Long passé évanoui.

On voit le ciel par ses déchirures
Car déjà charpente et couverture
L'ont abandonné à son sort.
Depuis bien longtemps il est mort.
Vestige du Moyen-âge,
Indissociable du paysage,
Il dresse son immense squelette :
Nid de hiboux et nid de chouettes.

Des douves éternelles -
Enlacées par les ronces
Dorment à ses pieds
Et reflètent ses murs rocailleux,
Ses fenêtres aveugles,
Son air mystérieux,
Sur un fond de ciel bleu :
Miroir du temps présent,
Miroir du temps passé...

Miroir de tes eaux,
Tu as pu voir, antan,
Bien d'autres paysages
Et bien d'autres visages

Aux fenêtres paraître
Pages et Damoiseaux,
Souriantes Damoiselles
Portant hennin, dentelles.

Et portée par la brise légère
S'élevait la voix des trouvères
Qui chantaient la légende
Des preux des temps anciens.

S'élevait la plainte des violes
Qui glissaient leur langueur
Sous les corsages, dans les cœurs
Des gentes Dames du Seigneur.