COPENHAGUE
D’une sirène s’est épris un grand marinier blond.
Il a grimé de mouches les écailles de sa queue, et ceint
de filaments ses hanches lisses de bronze.
À l’atoll des mouettes, il vole du corail.
Les gondoles d’une roue qui broie le plaisir tournent.
Fugitives, les colombes désertent leur chêne-liège et
roucoulent de passion sur les coussinets vides.
Une carabine en sucre tire des flèches de caoutchouc
dans la nuque découverte des cyclistes rapides.
Lentement le phare s’écarte pour jaunir.
Les tartines épongent le jus des crustacés dans les
assiettes bleues de porcelaine froide.
Un hérisson boiteux attaque une musaraigne, et
mordille, plein de hargne, son thorax en velours.
Le plongeur dégoûté jette une mèche de cheveux sur
l’évier débouché de la grande cuisine.
Au port, des coolies chinois descendent lentement une
caisse de mercure vers les cales encordées.
L’otarie-talisman se ferme les oreilles avant de jongler
en sinusoïde.
D’une sirène s’est épris un grand marinier blond.
Bernard SCHMITT
Bernard SCHMITT, poète, écrivain et combattant, est un humaniste. Licencié ès sciences en Allemagne, il enseigna à l’Université de Sarrebrück après son doctorat en médecine. Deux doctorats anglais de lettres et de sciences compléteront ses études. Médecin psychiatre, il dirigera le service de neuropsychiatrie de l’hôpital Sainte-Blandine. Il dut à sa connaissance des langues, d’être nommé Consul d’Islande. Côté littérature, il a écrit onze recueils de poèmes, des pièces radiophoniques, du théâtre… Parmi ses romans, sont parus chez Albin Michel "Le faux dieu", "Le dément de Gibraltar"… Officier de la Légion d’Honneur, Commandeur de l’Ordre national du Mérite, président de l’Union Mondiale des Écrivains-Médecins depuis 1988, il était secrétaire perpétuel et membre du jury de l’Académie Littré. Il nous a quittés en février 1997, à 74 ans.
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