AVEU
Je l’avais rencontrée dans ce train
par hasard
dans le luxe périlleux du soir
allant des montagnes à l’océan, bavard.
Il faisait lourd, sombre
mais aussi clair et bon,
la pâle nuit lactée pressait à la fenêtre,
le vent
j’entendais sa voix aux vitres de coton,
les vives promesses, la serpe de vacances,
le dessin de ses yeux sautant d’un rêve à l’autre
à l’orée de ses jeux.
Les laines de ses cheveux balayaient les cloisons
et toute sa jeunesse
y semblait en suspens,
noyée
dans ce tableau mouvant
des images
et des sons,
comme si après la pluie rien ne venait des poses,
malgré ce clair visage occupant la gaieté,
avec ce poulpe-là frémissant de sa bouche
l’orbe de ses regards qui me livraient ses songes…
Nous restâmes ainsi, à l’instant très fidèles,
et je ressens toujours un doux pressentiment
teint de pudeur extrême, de douceur invivable,
l’autre saison, la vie,
et je bois à la coupe éperdue
ce bonheur,
d’un espoir incertain
encore le poison,
et je sens vibrer l’air.
Alain BOIREAUD-CHEUX
4, rue de Betz
37240 ESVES le MOUTIER
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