LE GRENIER
Je viens revoir l'asile où ma jeunesse
De la misère a subi les leçons.
J'avais vingt ans, une folle maîtresse,
De francs amis et l'amour des chansons.
Bravant le monde et les sots et les sages,
Sans avenir, riche de mon printemps,
Leste et joyeux je montais six étages.
Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !
Ce grenier, point ne veux qu'on l'ignore.
Là fut mon lit bien chétif et bien dur ;
Là fut ma table ; et je retrouve encore
Trois pieds d'un vers charbonnés sur le mur.
Apparaissez, plaisirs de mon bel âge,
Que d'un coup d'aile à fustigés le Temps.
Vingt fois pour vous j'ai mis ma montre en gage.
Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !
(…)
Quittons ce toit où ma raison s'enivre.
Oh ! qu'ils sont loin ces jours si regrettés !
J'échangerais ce qu'il me reste à vivre
Contre un des mois qu'ici Dieu m'a comptés.
Pour rêver gloire, amour, plaisir, folie,
Pour dépenser sa vie en peu d'instants,
D'un long espoir pour la voir embellie,
Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !
Pierre-Jean de BÉRANGER
(1780 - 1857)
Né à Paris, ce chansonnier français eut une immense popularité. Ses chansons d’inspiration patriotique et politique furent très connues comme "Le Roi d’Yvetot", "Le Dieu des bonnes gens", "La Grand-mère"… Destitué puis emprisonné, il fut exilé à Tours où il résida, d’après la tradition à l’hôtel Tourneguide, aujourd’hui démoli, en face de la chapelle Saint-Éloi. Puis il vécut à la Grenadière à Saint-Cyr-sur-Loire. Ayant quitté Tours, il habita à Fontenay-sous-Bois. Il mourut à Paris.
Précédemment appelé le Grand mail, le boulevard Béranger de Tours prit le nom du chansonnier du vivant de celui-ci.
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