L’HOMME EST ASSIS AU REBORD DU FOSSÉ, PARMI LES HERBES FRILEUSES DU MATIN. IL REGARDE, HAGARD, SES MAINS LARGEMENT OUVERTES. DE SES DOIGTS SECS ET NOUEUX S’EFFRITENT LES DÉBRIS DE SES ÉCRITS. L’HOMME FERME LES YEUX. IL FAIT EFFORT POUR SE SOUVENIR. SES LÈVRES AFFAMÉES TITUBENT, RIDICULES, SUR LES SYLLABES NAGUÈRE FAMILIÈRES. PAR TROIS FOIS, UN SPASME THORACIQUE SECOUE LE TRISTE CLOWN ENFARINÉ, LE SUFFOQUE ET L’ÉTOUFFE SOUS LES RIRES INCRÉDULES. VERTIGE DE L’HOMME QUI SANGLOTE. GOUTTE À GOUTTE LE TEMPS S’ÉCOULE. ENTRE CHAQUE GOUTTE, PESANT, UN SILENCE DE NÉANT. SEUL, INTERMINABLEMENT SEUL, COMME, AU CŒUR DES SAPINS, LE SAULE OUBLIÉ DANS LA CLAIRIÈRE GORGÉE D’EAU.

L’HORIZON SE DÉCHIRE. LES TRONCS DES PEUPLIERS ROSISSENT. EST-CE MÉLANCOLIE DU SOIR OU JOUISSANCE D’UN JOUR NOUVEAU, UNE BRISE OUATÉE GLISSE SUR LE VERSANT DU COTEAU, CARESSE LES JEUNES POUSSES DE BLÉ VERT.. L’HOMME SOURIT À LA MÉLODIE QUI S’ÉTIRE EN NAÏVES DENTELLES. QU’IMPORTE LES FLÈCHES QUI LE TRANSPERCENT, LES PIERRES QUI LE LAPIDENT, L’HOMME QUI NE SAIT PAS MENTIR SE LÈVE À LA MAIN TENDUE. UNE MAIN DOUCE ET TIMIDE À LA FOIS. ET L’HOMME DANSE. IL DANSE, IL TOURNE, IL TOURNE ET S’ÉLÈVE, S’ÉLÈVE AÉRIEN DANS UNE FÉLICITÉ BLEUTÉE.

Extrait de "Moriturus te salutat" (à paraître)