VISAGE DANS LES YEUX
Puisant je ne sais quoi ; au fond de ses yeux jetant le panier tressé de mon désir, je n’ai pas obtenu le jappement de l’eau pure et profonde.
Main sur main, pesant sur la corde écailleuse, me déchirant les paumes, je n’ai levé pas même une goutte de l’eau pure et profonde :
Ou que le panier fût lâchement tressé, ou la corde brève ; ou il n’y avait rien au fond.
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Inabreuvé, toujours penché, j’ai vu, oh ! soudain, un visage : monstrueux comme chien de Fô au mufle rond aux yeux de boules.
Inabreuvé, je m’en suis allé ; sans colère ni rancune, mais anxieux de savoir d’où vient la fausse image et le mensonge :
De ses yeux ? - Des miens ?
Extrait de "Stèles"
Victor SEGALEN
(1878 - 1919)
Né à Brest, très tôt attiré par la poésie et les voyages, Victor SEGALEN devient médecin de la marine et consacre sa thèse au rôle des maladies mentales dans la littérature contemporaine. Arrivé à Tahiti en 1903, il écrit "Les Immémoriaux", dialogue entre le Réel et l’Imaginaire puis il part en Chine. À trente-deux ans, il n’avait pas encore écrit un seul poème mais à partir de cette époque, il compose presque chaque jour, des proses puis des poèmes. Ces derniers seront réunis dans "Stèles". Ses connaissances archéologiques lui permettent d’être choisi pour une autre mission en Chine. Ses livres "Équipée" puis "Feuilles de route" portent l’empreinte de cette recherche.
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