LES YEUX
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore,
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encor.
Oh ! qu’ils aient perdu le regard
Non, non, cela n’est pas possible.
Ils se sont tournés quelque part,
Vers ce qu’on nomme l’invisible.
Et comme les astres penchants,
Nous quittent mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent.
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Tournés vers quelque immense aurore
De l’autre côté des tombeaux,
Les yeux qu’on ferme voient encor.
Albert SAMAIN
(1858 - 1900)
Né à Lille, Albert SAMAIN est un poète "classique du symbolisme". Élégiaque, d’une sensibilité mélancolique et parfois maladive, il excella dans la notation d’impressions fugitives, "Au jardin de l’Infante" (1893), "Aux flancs du vase" (1898), "Le chariot d’or" (1901). Il a aussi écrit une pièce de théâtre en vers, "Polyphène" (1901) et des contes en prose (1902).
Poème sélectionné par Monsieur Marcel CHAUVEAU (Tours).
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