"Mur de poésie de Tours" 2001

Poètes français du passé

 

ÉPITAPHE

 

Il se tua d’ardeur, ou mourut de paresse.
S’il vit, c’est par oubli ; voici ce qu’il laisse :

- Son seul regret fut de n’être pas sa maîtresse. -

Il ne naquit par aucun bout,
Fut toujours poussé vent-de-bout,
Et fut arlequin-ragoût,
Mélange adultère de tout.

Trop Soi pour se pouvoir souffrir,
L’esprit à sec et la tête ivre,
Fini, mais ne sachant finir,
Il mourut en s’attendant vivre
Et vécut, s’attendant mourir.

Ci-gît, -cœur sans cœur, mal planté,
Trop réussi, -comme raté.

 

Tristan CORBIÈRE

(1845 - 1875)

 

Né près de Morlaix, en Bretagne, de père marin, journaliste et romancier, il passe une enfance heureuse puis il s’installe à Roscoff où il fréquente des marins et écrit. Il publie les "Amours jaunes" ; il aime écrire une poésie ironique, à partir de faits divers. Il sait aussi rire de lui. Peu connu de son vivant, ce poète "maudit de son temps" et révélé par Verlaine, a surtout écrit des poèmes dans un style original et contrasté.