À L'AVEUGLETTE

 

(Extrait)

 

À Auguste Germain.

 

En baisant sa gorge lisse

Comme la chair d'un bébé,

Advint que mon cœur novice

Est entre ses seins tombé.

 

De ce fait divers la belle

Me voyant tout confondu :

" Bah ! Ne pleurez pas, dit-elle,

" Votre cœur n'est pas perdu.

 

" L'incident n'est que bizarre ;

" Pourquoi s'en effaroucher ?

" Puisque votre cœur s'égare,

" II le faut aller chercher. "

 

À ce conseil vraiment sage,

Qu'un sourire accompagnait,

Ma main prompte en son corsage

Disparut jusqu'au poignet.

 

Et, dans des flots de guipure,

Cherchant mon cœur à tâtons,

J'avançais à l'aventure,

Avec mes doigts pour bâtons.

 

Mais, plus je prenais à tâche

De fouiller les bons endroits,

Plus il m'échappait, le lâche

Et glissait entre mes doigts.

 

 

Georges COURTELINE

(1858 - 1929)

 

Cet écrivain né à Tours sous le nom de Georges MOINAUX, voulait être poète ; mais ces poèmes n’obtenant pas le succès escompté, il se tourna vers des récits , " Le Train de 8 h 45 ", " 1888 ", … et des comédies, " Boubouroche ", " 1893 ", " La Paix chez soi " qui eurent dès le départ, un succès étonnant. Son analyse de la vie bourgeoise, militaire et celle des fonctionnaires est ironique et met en relief, le côté absurde jusqu’à l’excès déclenchant le rire. Bien qu’ayant reçu le grand prix de l’Académie française et qu’étant élu à l’Académie Goncourt, Georges COURTELINE ne s’est jamais pris au sérieux.

 

Une rue de TOURS porte son nom.