TU T’RAPPELLES ?
Au fond de la cave j’ai retrouvé La terrine en terre cuite Qui donnait corps et âme À ton adorable pâté de lapin
Grand-mère Tu t’rappelles, Tu avais posé un inexorable principe : Tu voulais bien dépiauter Les gros pépères lapins Mais pas les zigouiller Na !
C’était grand-père Qui était chargé De ce macabre rituel Il accrochait sa canne À la poignée de la porte Prenait le sacrifié de la main gauche Par ses longues pattes de derrière Et l’endormait sans tisane D’un balèze coup de poing Derrière son bonnet d’âne
Pan ! Ensuite avec son canif Il lui arrachait un œil Et dans une petite casserole Il récupérait son sang En ajoutant une cuillerée De vinaigre d’Orléans Pour qu’il ne caille pas
La vache !
On bourrait la peau Du papier froissé De La Dépêche du Centre Et pour la faire sécher On l’accrochait À une vieille poutre ridée Au fond de la buanderie Près de la selle à laver Et du fourneau à bois
De temps en temps Le chiffonnier passait dans la rue En criant Piôô… d’lapin… Piô ! Tu lui vendait les dépouilles En discutant le prix Et tu glissais ta récolte de sous bronzés Dans ma tirelire joufflue
À la cuisine Tu fixais le hachoir mécanique Au bout de la table de chêne Tu le garnissais de chair Pendant que je tournais la manivelle Doucement Avec dignité
Lorsque la terrine était pleine Tu la parfumais De mystérieuses herbes sèches Puis je pétrissais une pâte bien collante Dont je mastiquais pieusement Le pourtour du couvercle
Enfin tu enfournais notre ouvrage Dans ta noble cuisinière à charbon Toujours bien raide En son habit noir À boutons dorés
Je crois que j’étais indispensable…
Dis grand-mère Sans ta terrine Et sans tes aiguilles à tricoter Tu t’emmerdes pas trop Là-haut ?
Pierre POPOFF TOURS
Membre de " Présence de la poésie ". |
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