NE SE LAISSANT ABATTRE NI PAR LA PLUIE

 

Ne se laissant abattre ni par la pluie

ne se laissant abattre ni par le vent

ne se laissant abattre ni par la neige ni par la chaleur de l'été

il a un corps si solide

il n'a pas de désir

il ne se fâche jamais

tout le temps il sourit doucement

chaque jour il mange une livre de riz complet

du miso et un peu de légumes

toutes les choses

sans émotion personnelle

il les voit, les écoute et les comprend bien

et ne les oublie pas

derrière une forêt de pins à la campagne

il se tient dans une petite chaumière

quand il y a un enfant malade à l'est, il va le soigner

quand il y a une mère fatiguée à l'ouest

il va porter ses gerbes de riz sur son dos

quand il y a un mourant au sud

il va dire qu'il n'y a pas lieu d'avoir peur

quand il y a une querelle ou une affaire au nord

il va demander d'arrêter ces bêtises

à la sécheresse il pleure

en été froid il marche troublé

il est appelé bon à rien par tout le monde

il n'est ni félicité

ni tracassé

comme cette personne

je voudrais devenir

Kenji MIYAZAWA

(1896 - 1933)

 

Poème traduit du japonais par Kasuko YASUI.

 

Bien que son œuvre n'ait été reconnue qu'après sa mort, Kenji MIYAZAWA est un auteur de contes pour enfants très célèbre et un poète estimé de nos jours. Né au nord du Japon et il y vécut toute sa vie et était un bouddhiste fervent. Sa famille était assez aisée mais il n'acceptait pas la pauvreté des agriculteurs qui l’entouraient. Après avoir enseigné l'agriculture pendant quatre ans, il se retira dans une maison à la campagne où il créa une association avec des jeunes gens des villages voisins. Ils étudiaient la musique, parlaient d'art, de géologie... Il racontait ses propres contes aux enfants ainsi que ceux d'auteurs étrangers. Il travaillait aux champs avec les agriculteurs. En raison de la frugalité de son alimentation et de l'excès de travail il contracta la tuberculose et il écrivit ce poème sur son lit de mort.

 

N.B. : miso (9ème ligne) = la purée de soja fermentée.

 

Lors de l'exposition, ce poème était accompagné de deux illustrations :

- une de Haruka FURUBAYASHI, 17 ans, élève du lycée-collège Konan de St-Cyr-sur-Loire ;

- l'autre de Reika MATSUDA, 17 ans, élève du lycée-collège Konan de St-Cyr-sur-Loire.