"L’ABEILLE"
Quelle, et si fine, et si mortelle,
Que soit ta pointe, blonde abeille,
Je n’ai, sur ma tendre corbeille,
Jeté qu’un songe de dentelle.
Pique du sein la gourde belle
Sur qui l’Amour meurt ou sommeille,
Qu’un peu de moi même vermeille
Vienne à la chair ronde et rebelle !
J’ai grand besoin d’un prompt tourment :
Un mal vif et bien terminé
Vaut mieux qu’un supplice dormant !
Soit donc mon sens illuminé
Par cette infime alerte d’or
Sans qui l’Amour meurt ou s’endort !
Extrait de "Charmes"
Paul VALÉRY
(1871 - 1945)
Né à Sète, influencé par Mallarmé, il écrit des poèmes puis préfère les mathématiques avant de retourner à la littérature en cherchant à établir l’unité créatrice de l’esprit ("Introduction à la méthode de création de Léonard de Vinci"). Il se rapproche de l’intellectualisme avec "La Soirée avec M. Edmond Teste" puis retourne vers la poésie, "La Jeune Parque", "Charmes". À partir de 1937, il enseigne l’art au Collège de France. Il écrit des essais "Variétés", des dialogues "L’Âme et la Danse". Une abondante œuvre posthume est publiée dont "Mon Faust", "Cahiers".
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