"Mur de poésie de Tours" 2000

Poètes espagnols

 

GLOSA

 

Vivo sin vivir en mí,
Y de tal manera espero,
Que muero porque no muero.

Vivo ya fuera de mi,
Después que muero de amor ;
Porque vivo en el Señor,
Que me quiso para sí :
Cuando el corazón le dí
Puse en él este letrero :
Que muero porque no muero.

Esta divina prisión,
Del amor con que yo vivo,
Ha hecho a Dios mi cautivo,
Y libre mi corazón ;
Y causa en mí tal pasión
Ver a Dios mi prisionero,
Que muero porque no muero.

¡ Ay ! qué larga es esta vida !
¡ Qué duros estos destierros,
Esta cárcel, estos hierros
En que el alma está metida !
Sólo esperar la salida
Me causa dolor tan fiero,
Que muero porque no muero.

 

Teresa de ÁVILA

(1515 - 1582)

 

Grande réformatrice du carmel, Sainte Thérèse d’Avila fut canonisée en 1622. Elle a écrit une œuvre en prose immense, splendide. Sept chansons seulement témoignent de son intérêt pour l’écriture poétique. Elle invente une langue exceptionnelle, mêlant le langage populaire aux grands élans mystiques, restant toujours naturelle même dans son désespoir.

 

GLOSE

 

Je vis hors de ma vie
Et de toute façon,
J’attends la mort sans mourir.

Je vis étrangère à moi-même,
Depuis que je meurs d’amour,
Car je vis dans le Seigneur
Qui m’a pris pour lui :
Quand je lui ai donné mon cœur,
Il y grava ces lettres :
J’attends la mort sans mourir.

Cette divine prison,
De l’Amour qui me fait vivre,
A fait de Dieu mon captif,
Et rendu mon cœur libre ;
Mais je suis tourmenté
De voir mon Dieu prisonnier,
J’attends la mort sans mourir.

Ah ! Que cette vie est longue !
Qu’ils ont durs ces exils,
Cette prison, ces fers
Dans lesquelles mon âme est mise !
Seulement l’attente d’en sortir
Me cause une si vive douleur,
J’attends la mort sans mourir.

 

Traduction de Catherine RÉAULT-CROSNIER