LA TECHNIQUE DE LA PEINTURE À LA CIRE
Présentation
La peinture à la cire est une technique particulière qui, malgré une apparente facilité, nécessite souplesse des mains et dextérité.
La peinture à la cire se réalise avec un fer à repasser qui sert de pinceau. Lorsqu’il est chaud, on dépose sur la semelle du fer, les cires de couleur pour qu’elles fondent. On applique alors le fer tenu de la main droite tandis que l’on tient la feuille de papier avec la main gauche placée sous la feuille. Les mouvements des mains et des poignets permettent d’obtenir des effets qu’il faut apprendre à dominer. On peut aussi se servir de la pointe du fer pour un trait fin. On peut appliquer le fer sous la feuille et dessiner avec le bâton de cire au-dessus. On appliquera ensuite le fer sur la cire déposée pour étaler la couleur à sa convenance. On peut aussi déposer avec le fer, beaucoup de cire puis en enlever pour créer des décors en négatif, papillons.
Une fois la peinture terminée, on la frotte avec un chiffon de laine pour la faire briller, puis on la vernit ou on la laque (avec de la laque à cheveux). Il faut toujours veiller ensuite à ne pas laisser la peinture à la cire trop près d’une source de chaleur, comme par exemple, derrière une plage arrière de voiture ou dessus un appareil de chauffage car la cire coulerait.
14.05.2002
Historique
Définition et étymologie :
La cire d’abeille naturelle est la matière molle, jaunâtre, secrétée par les abeilles alors que l’encaustique est un produit d’entretien composé de cire et d’essence de térébenthine ainsi qu’un procédé de peinture qui consiste à mélanger à chaud des couleurs et de la cire fondue. Nous comprenons mieux alors que l’origine du mot « encaustique » vienne du grec « encaustikos » qui signifie « intégrer par la chaleur » et correspond au terme anglais « burn in».
Pline l’Ancien, écrivain et naturaliste latin du Ier siècle après J.-C., dans son Histoire naturelle, livre XXXV consacré à la peinture, cite la cire « cera » ou l’encaustique « encaustica ». Cette technique est millénaire et a toujours été utilisée avec des variantes au fil des siècles.
Composition :
Cette peinture est constituée de cire d’abeille naturelle à laquelle des pigments colorés ont été ajoutés.
L’histoire :
Cette technique a fasciné les hommes depuis l’antiquité Les écrits de Pline l’Ancien peuvent toujours être cités : « On ne sait pas au juste qui inventa la peinture à la cire et à l’encaustique. » (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre XXXV, p. 482) Quelques-uns en attribuent la découverte à Aristide (athénien et homme politique, 550 – 467 av J.-C), et le perfectionnement au sculpteur grec Praxitèle (IV° av J.-C.). Cependant des peintures plus anciennes existent, par exemple de Polygnote (500 – 440 av J.-C.), de Nicanor et d’Arcélias, tous trois originaires de Paros* (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre XXXV, p. 482).
* Île de la mer Égée et la plus grande des Cyclades.
Il semblerait que la peinture à la cire existe aussi en Chine depuis très longtemps mais je n’ai pas trouvé de documents sur ce sujet, en dehors de sceaux de cire colorée et en relief.
À notre connaissance, les premières peintures artistiques à la cire de l’antiquité, proviennent d’Égypte-Hawara dans les années 100 – 110 ans après J.C. Les peintures du Fayoum datées du premier au cinquième siècle, sont les plus connues et correspondent à une série de portraits de toute beauté en finesse, montrant que cette technique permet d’obtenir des résultats de grande qualité (un portrait de femme peint à la cire sur toile de lin, provenant de la région du Fayoum et daté des IIe-IIIe siècle après J.C., peut être vu au musée Mandet de Riom). À cette époque, le support était le bois et la peinture chauffée était étalée au pinceau. Cette peinture est très résistante dans le temps comme en témoigne sa persistance sur les sarcophages.
La technique :
Les techniques ont été différentes au fil du temps et nous pouvons citer la peinture à la cire sur bois du temps de Pline l’Ancien et celle plus rare sur ivoire avec le cestre ou poinçon. « Elle furent les seules jusqu’à ce que l’on eût commencé à peindre les vaisseaux ; alors fut ajoutée la troisième manière, que voici : on fond les cires au feu, et on emploie le pinceau (…). » Pline nous assure que cette technique « ne s’altère ni par le soleil, ni par l’eau salée, ni par les vents. » (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre XXXV, p. 486).
Pour éviter que la cire ne se décolore, un enduit de cire et d’huile était posé au préalable sur le support puis lissé à la bougie et au chiffon. Pline l’Ancien détaille la fabrication de la cire et cite la plus réputée, celle de Carthage (cera punica) utilisée autant par les artistes que les apothicaires. Cette cire d’abeille jaune était mise à bouillir dans l’eau de mer avec du nitre (procédé proche de la saponification) puis on enlevait avec des cuillers la fleur de la cire, partie la plus blanche ; ce processus était répété jusqu’à obtenir une cire vraiment blanche (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre XXI, p. 56). Les pigments incorporés pour la colorer, étaient de la cendre de papyrus (charta) pour le noir, de l’orcanette des teinturiers (anchusa) pour le rouge… (id., p. 56). Pline l’Ancien nous relate les usages utilitaires pour les vaisseaux de guerre, et même, à présent, sur les bâtiments de transport (…), les bûchers, (…) ; dans des chars pompeux (….). » (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre XXXV, p. 470)
Au XVIIIème siècle, la saponification, procédé consistant en la transformation des matières grasses en savon par hydrolyse alcaline et en particulier avec de l’essence de térébenthine, fut très prisée. Denis Diderot (1713 – 1784) consacre un livre de 103 pages à la peinture à la cire, intitulé L’histoire et le secret de la peinture à la cire (1755). Il cite aussi la cire chauffée au feu puis appliquée au pinceau (p. 11) mais sans s’y attarder. Diderot se passionne pour les résultats obtenus par la peinture à la cire mélangée à la térébenthine, appliquée à la brosse et au pinceau ; elle servait alors de toile de fond à un tableau. Mais Diderot cite aussi un artiste qui utilise cette technique : « M. Bachelier, le seul peintre habile en fleurs que nous ayons, fit en 1749 un tableau en cire. Le sujet en été tiré de la fable ; c’était Flore et Zéphire. » (p. 3) Il nous raconte la découverte de M. Bachelier qui jouait avec des boules de cire. L’une tomba dans un godet contenant de l’essence de térébenthine ce qui dissout la peinture et il put peindre avec sur toile.
Pour ma part, j’utilise la cire chauffée qui se liquéfie alors. Elle ne sèche pas mais se solidifie à la température de la pièce. La cire peut être retravaillée autant de fois que nécessaire mais il faut éviter trop de retouches qui enlèvent la luminosité des couleurs et le premier jet de travail peut être meilleur. On peut utiliser cette peinture chauffée avec de nombreux outils, fusil à chaleur, torche au butane ou propane, lampe à chauffer. Pour ma part, je préfère le fer à repasser sur lequel je dépose les cires de différentes couleurs pour obtenir une harmonie de teintes complémentaires ou opposées. Ce fer correspond à un fer de voyage sans trou sur la surface plane pour que la cire glisse bien. Il faut trouver la température idéale pour que la cire fonde sans couler trop et pour ne pas se brûler les doigts puisque la deuxième main est sous le papier glissant. Je vais donc vous présenter mon matériel maintenant puis peindre. Cette technique peut paraître facile car le résultat est rapide mais en réalité, elle nécessite une grande souplesse et adresse des deux mains comme vous aller le voir c’est pourquoi elle est rarement utilisée.
Bibliographie :
Pline l’Ancien, Histoire naturelle, avec la traduction en français par M. É. Littré, tome second, Firmin-Didot et Cie, Paris, 1877, 708 pages
Denis Diderot, L’histoire et le secret de la peinture en cire, 1755, 103 pages
Texte conçu (et lu) pour ma démonstration de peinture à la cire du 1er décembre 2012, au Manoir de la Tour à Saint-Cyr-sur-Loire (37), dans le cadre de l’exposition d’Art et Poésie de Touraine.
Commentaires de M. Jean-Marc Gaussé, imprimeur à Argenton/Creuse (Imprimerie Le Trépan) :
"J’ai apprécié la peinture à la cire qui illustre votre correspondance. L’imprimeur est souvent curieux de toutes ces techniques qui nourrissent le papier d’une manière différente, et autorisent l’artiste à déposer l’empreinte de son imagination, je dis "autorisent" car le papier, matière vivante pour qui le connaît est parfois bien caractériel. Il y a dans cette technique une extrême finesse, et puis ce léger relief qui ressemble au gaufrage, utilisé parfois dans nos ateliers d’imprimerie invite, après s’être imprégné du jeu des couleurs, à toucher l’œuvre du doigt, c’est l’instant où l’art éveille les sens de l’être humain. Bien cordialement." Jean-Marc Gaussé (courriel du 20 mars 2012, mis en ligne avec son autorisation en date du 22mars 2012)
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