DES LIVRES QUE J’AI AIMÉS
LA VIE ARDENTE DE MICHEL-ANGE
d’Irving STONE
aux éditions PLON, 1984
À travers "La vie ardente de Michel-Ange", artiste à la force de colosse et au tempérament solitaire, Irving STONE nous fait revivre la passion de celui-ci pour l’art, ses déboires, ses illusions et son refuge dans la création. Cette dernière seule, le comble :
"Il ne tuait pas le temps : c’était le temps qui le tuait. Il se roulait dans l’immense lit de Prato, dévoré par la fièvre du marbre ; le désir le torturait de tenir entre ses mains un maillet et un ciseau, de pénétrer la pierre cristalline, de sentir la poussière âcre et douce s’agglutiner dans ses narines ..."
Derrière la trame de l’histoire, nous pénétrons dans la renaissance italienne, de la Florence de Laurent le Magnifique à la Rome de Jules II, de Léon X et de Clément VII, avec ses intrigues. Nous retrouvons toujours un Michel-Ange incompris qui s’obstine à préférer la sculpture à toute autre forme d’art, un Michel-Ange qui, après avoir dénigré la peinture, se lance dans de gigantesques fresques murales, simplement pour rivaliser avec Léonard de Vinci.
Michel-Ange veut être le meilleur, le premier artiste reconnu d’Italie et cet orgueil l’entraîne à travailler jusqu’à l’épuisement, nuit et jour, pour produire, produire et toujours remanier, améliorer ses créations en vue d’atteindre la perfection, jusqu’à rivaliser avec Dieu. Lorsque le pape Jules II lui commande un décor pour la voûte de la chapelle Sixtine, il regarde le ciel et dit :
"Quel merveilleux artiste Dieu s’est montré lorsqu’Il a créé l’univers ! Sculpteur, architecte, peintre ! Lui qui avait conçu l’espace, l’a rempli de Ses merveilles". Se souvenant du début de la Genèse : "Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre ...", Michel-Ange choisit comme décor de la voûte la Genèse elle-même, c’est-à-dire une re-création de l’univers.
Michel-Ange reconnaît sa petitesse face à l’immensité et la grandeur de la création, gage d’éternité :
"L’homme passe, se dit-il, seules les œuvres d’art sont immortelles".
Michel-Ange est aussi poète et il nous confie ses émotions profondes en les écrivant sur des feuilles, souvent au dos de ses cartons d’esquisse, sous forme de poèmes :
"L’excès de bonheur, non moins que la souffrance
Peut tuer un homme voué à une peine fatale,
Si, mort à l’espérance et le cœur glacé,
Un pardon soudain vient le libérer (...)"
Sa poésie est faite de sentiments intenses qui montre combien Michel-Ange était un être d’une sensibilité extrême comme par exemple dans ses poèmes d’amour :
"Quelle joie possède cette heureuse guirlande
Qui pare ses cheveux d’or habilement tressés,
Chaque fleur se pressant en avant
Comme pour être la première à baiser son front".
Une amitié extrême pour un homme, Tommaso, qui le soutiendra dans les moments difficiles, peut lui inspirer un poème très profond :
"Car je suis comme la lune qui ne peut briller
Seule ; et voici, nos yeux ne voient rien dans le ciel
Que le soleil n’ait illuminé (...)
Mais très loin en moi, en ce lieu sacré
Mon âme connaît l’Amour, son ami des cieux".
Michel-Ange, ce génie, est pleinement homme, souffre dans son corps et son esprit de se sentir incompris, obligé de céder aux autorités. Il a l’impression - mais est-ce seulement une impression ?- d’être manipulé par ceux qui détiennent le pouvoir, là où d’autres sauront y faire pour avoir la vie facile comme Raphaël, adepte des plaisirs et toujours prêt à se rendre aux fêtes, à rire mais aussi artiste de grand talent, il le reconnaît.
Lui, il s’enferme dans son art, son refuge et depuis ses débuts jusqu’à sa mort, il caressera le marbre et construira des œuvres de géant. Pour lui, la vie, c’est créer :
"L’esprit conçoit les idées comme le poumon respire ; c’est sa fonction naturelle".
Et juste avant de mourir, à près de quatre-vingt-dix ans, il dira :
"J’ai aimé le marbre, oui, et aussi la peinture. L’architecture et la poésie. J’ai aimé ma famille et mes amis. J’ai aimé Dieu, les formes de la terre et du ciel, et aussi les gens. J’ai aimé la vie totalement et maintenant j’aime la mort comme son achèvement naturel
Catherine RÉAULT-CROSNIER
Janvier 1998
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