DES LIVRES QUE J’AI AIMÉS

 

LE CHASSEUR ZÉRO

de Pascale ROZE

 

roman édité chez Albin Michel en novembre 1996

Prix Goncourt 1996

 

 

Pascale ROZE écrit là son premier roman, un roman qui ne ressemble en rien aux romans traditionnels. En effet, tout est basé sur d’étranges sentiments déroutants, des sensations, la construction dans l’imaginaire d’un réel possible.

Le personnage principal, Laura Carlson, souffre de ne pas avoir connu son père et part à la recherche de son passé, même avant sa naissance.

Elle connaît le réel des faits même si sa mère a longtemps voulu les lui tenir cachés : son père, un kamikaze, a semé la mort sur le porte-avions Maryland en 1945 à Okinawa.

De là, naît une souffrance profonde qui, comme une blessure infectée, n’en finit pas de la meurtrir car son corps perçoit le vrombissement de l’avion jour et nuit, n’importe où :

"L’aube des temps, l’éclat de la Création. Et dans la lumière virginale, la petite masse compacte du chasseur qui avance, avance (...)

Le chasseur vrombissait. Je sentis la sueur dégouliner sur ma peau. D’abord des étoiles zigzaguèrent devant mes yeux. Puis les murs se mirent à tourner. Et soudain un sifflement suraigu, enflant à une vertigineuse vitesse, hurla du haut en bas de la cage d’escalier (...). Je m’évanouis."

Son amour pour Bruno, ses études brillantes, ne tiendront pas face à l’assaut méthodique de ce chasseur qui la pourchasse. Elle devient de plus en plus dépendante de cet homme qu’elle n’a pas connu, enchaîné à son passé et elle essaie de briser ses chaînes d’angoisse qui la serrent de plus en plus fort, dans un étau.

L’extrême de sa vie, elle le côtoie un jour sur l’autoroute, où elle n’est plus maîtresse d’elle-même, de ses gestes comme de ses pensées. Elle fonce vers la mort comme son père, dans un élan fou vers son identité première :

"Avant de piquer sur le navire, le kamikaze crie :
"Je plonge".

Moi aussi, Tsurukawa, moi aussi, je vais plonger. Je vois grossir le camion, des phares m’aveuglent, je ne fermerai pas les yeux. Tsurukawa maintint fermement mon pied sur l’accélérateur mais mes mains lui échappèrent. Je donnai un coup de volant. Puis ce fut le noir".

Le roman ne se termine pas ainsi car elle dit plus loin :

"Et je ne suis pas morte, je n’arrive pas à mourir".

Mais arrivera-t-elle à se libérer de cette obsession qui la rend prisonnière de son passé ?

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

Janvier 1998