MAURICE ROLLINAT ET EDGAR POE EN POÉSIE

 

à l’occasion du bicentenaire de la naissance d’Edgar Poe en 2009

 

(Texte lu à plusieurs voix avec des poèmes mis en musique par Michel Caçao, à la bibliothèque municipale de Tours le 21 février 2009, et à la médiathèque de Châteauroux le 28 février 2009.)

 

En 1995 (dans le cadre de l’Académie berrichonne), j’ai proposé une conférence intitulée "Similitudes et différences en poésie entre Edgar Poe et Maurice Rollinat". J’ai voulu retrouver l’essence créatrice de ces deux poètes à l’occasion du bicentenaire de la naissance d’Edgar Poe (le 19 janvier 2009), analyser leurs poèmes en les comparant d’une manière différente de la première fois, c’est-à-dire en rapprochant leurs poèmes parallèlement aux thèmes abordés comme la musique, le macabre, la sexualité, la nature, le rêve, etc.

Le poète Maurice Rollinat était passionné par les écrits de son collègue d’Outre-Atlantique, Edgar Poe, car il se sentait proche de son style et de son expression littéraire ; il a d’ailleurs écrit : "(…) si donc j’aime et j’admire passionnément Lord Byron, Lamartine et Baudelaire, il n’y a vraiment que le surnaturel Edgar Poe qui soit le sorcier de mes songes, le cher Démon familier de ma tristesse et de ma solitude. (…)" (Lettre de Maurice Rollinat de 1901, Archives départementales de l’Indre. MS. 48 J IC (IX) 41).

Maurice Rollinat avait traduit certains des poèmes d’Edgar Poe en vers classiques (certains sont inclus dans Fin d’Œuvre) et il lui avait dédié un poème "Edgar Poe" :

Edgar Poe fut démon, ne voulant pas être Ange.
Au lieu du Rossignol, il chanta le Corbeau 
Et dans le diamant du Mal et de l’Étrange
Il cisela son rêve effroyablement beau.

Il cherchait dans le gouffre où la raison s’abîme
Les secrets de la Mort et de l’Éternité,
Et son âme où passait l’éclair sanglant du crime
Avait le cauchemar de la Perversité.

Chaste, mystérieux, sardonique et féroce,
Il raffine l’Intense, il aiguise l’Atroce ;
Son arbre est un cyprès ; sa femme, un revenant.
Devant son œil de lynx le problème s’éclaire :
- Oh ! comme je comprends l’amour de Baudelaire
Pour ce grand Ténébreux qu’on lit en frissonnant !

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 56)

Edgar Poe (1809 - 1849) né le 19 janvier 1809, en Amérique était le contemporain de George Sand (1804 - 1876) en France. Comme George Sand fut la "marraine" littéraire de Maurice Rollinat (1846 - 1903), Edgar Poe aurait pu être le "parrain" littéraire de celui-ci puisque ce dernier l’appréciait beaucoup et a traduit ses poèmes en français. Dans le livre de Léon Lemonnier Edgar Poe et les poètes français, Maurice Rollinat aurait parfaitement compris le génie d’Edgar Poe mais l’aurait imité platement (cité par Régis Miannay dans l’introduction de Dans les Brandes, p. 49). Avoir des préférences parmi les poètes ne veut pas dire plagier mais se laisser guider par un fil conducteur et rester soi-même. Je voudrais aussi insister sur l’effet de mode parmi de nombreux écrivains du XIXème siècle, qui recherchaient l’originalité, l’innovation et souhaitaient aborder des thèmes fantastiques et même extraordinaires (au sens étymologique du mot qui signifie qui fait peur) par exemple Théophile Gautier, Baudelaire. Les détracteurs de Maurice Rollinat disaient qu’il avait copié les écrivains de son temps dont Edgar Poe et Baudelaire ; pour Lepelletier, Maurice Rollinat imite Baudelaire par impuissance, il force les effets par vulgarité et cabotinage (cité par Régis Miannay dans l’introduction de Dans les Brandes, p. 44). Régis Miannay, Président actuel des Amis de Maurice Rollinat, en parle dans son introduction de la réédition de Dans les Brandes de Maurice Rollinat : "Ses détracteurs ont en général mis en doute cette sincérité ou n’ont vu dans son œuvre que les productions bizarres d’un cerveau ébranlé." (id. p. 37).

Les écrits de Maurice Rollinat se situent en dehors de ce courant car celui-ci a besoin d’extérioriser ses fantasmes, ses peurs ; c’est une nécessité pour lui. Pour Edgar Poe, il s’agit d’un même choix d’expression d’une fiction mortuaire permanente, même si cet état est plus calculé, plus mathématique, comme nous le verrons plus loin.

Jean Hautepierre et Catherine Réault-Crosnier, lors de la conférence "Maurice Rollinat et Edgar Poe en poésie", à la bibliothèque municipale de Tours, le 21 février 2009.

Jean Hautepierre et Catherine Réault-Crosnier, lors de la conférence "Maurice Rollinat et Edgar Poe en poésie",
à la bibliothèque municipale de Tours, le 21 février 2009.

Leurs biographies

La mère d’Edgar Poe était veuve d’un comédien et s’était remariée à vingt-et-un ans avec David Poe. Tous deux étaient tuberculeux (Jean-Louis Curtis dans la préface de Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 13). Edgar Poe est né à Boston, il est le deuxième des trois enfants du couple. Il perd sa mère à l’âge de deux ans (suite à une tuberculose pulmonaire) ; son père, acteur d’une troupe de théâtre avait déjà quitté le foyer familial et était un alcoolique invétéré. Son frère aîné mourra à vingt-quatre ans, alcoolique et tuberculeux, sa sœur Rosalie restera aliénée mentale toute sa vie (après une maladie inconnue, certainement une méningite). Edgar Poe est blessé par la vie dès son plus jeune âge. Il aura très tôt, la hantise de devenir alcoolique comme son père puis son frère. Il est recueilli à Richmond par un couple, les Allan, qui l’adopteront et lui permettront d’accéder à une solide formation intellectuelle puis d’écrire des poèmes à partir de quatorze ans et de les faire éditer. Ses deux premiers livres n’auront aucun succès. En 1833, il obtient son premier prix de poésie. Durant toute sa vie d’adulte, il aura des crises d’éthylisme atroces (Jean-Louis Curtis dans la préface de Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 14). En 1836, à l’âge de vingt-sept ans, il épouse sa cousine, Virginia Clemm, alors âgée de treize ans ; c’est l’enfant amour, inspiratrice de futurs poèmes dont "Annabel Lee" et "Ulalume". Avoir choisi pour femme un enfant de treize ans nous étonne, mais Edgar Poe a du mal à vivre sa vie d’adulte et il est en perpétuelle quête du passé, donc de son enfance perdue, idéalisée. Ses crises d’éthylisme provoquent des conflits fréquents avec sa famille adoptive. Il ne trouve que des emplois subalternes, mal rétribués ce qui ne le satisfait pas.

Quand il se trouve dans un état de dénuement intolérable, il demande alors des secours matériels à ses parents adoptifs. Malgré ce climat de tension, il continue parallèlement à créer des poèmes toute sa vie.

Il devient célèbre en 1845 (à trente-six ans), en particulier avec un poème "Le corbeau" qu’il écrivit à New York. Il rêve de gloire littéraire mais ne parvient pas à devenir un maître incontesté. Il écrit dans des journaux. Lorsque sa femme meurt de tuberculose, à l’âge de vingt-cinq ans (le 30 janvier 1847), il a l’impression de devenir fou de douleur. Son poème "À Hélène" correspond à son espoir de remariage avec une jeune fille mais ce projet n’aboutira pas.

L’année suivante, il devient trop malade pour travailler. Toutes ses avances pour se remarier échoueront. Il tente de s’empoisonner mais ne réussit qu’à se rendre très malade. Il meurt à Baltimore, à quarante ans, en 1849 (deux ans après sa femme), dans le cadre d’une campagne électorale, sans que l’on sache s’il est mort d’un excès d’alcool ou d’une congestion cérébrale. Après sa mort, Edgar Poe d’un style très contemporain, est resté célèbre dans le monde entier ; ses histoires extraordinaires préfiguraient la science-fiction. De nombreux poèmes ont été mis en musique.

Je remercie le professeur George Poe de l’Université du Sud à Sewanee (au Tennessee) avec lequel j’ai pu échanger et voici les précieux renseignements d’Outre-Atlantique qu’il m’a fournis. À l’occasion du bicentenaire de la naissance d’Edgar Poe, de nombreuses villes des USA fêteront ce poète dont Richmond, Philadelphie et Baltimore ainsi que Charleston et Memphis, en présentant des expositions, des conférences et des représentations dramatiques inspirées par la vie et l’œuvre du poète. Une équipe professionnelle de football américain a pour nom "Baltimore Ravens" (Corbeaux) en l’honneur du poète ; elle a failli arriver en finale du championnat national récemment. Hélas, cette équipe n’est "jamais plus".

Harry Lee (Hal) Poe est Président du Musée et de la fondation Edgar Poe à Richmond (en Virginie). Il a préparé une exposition qui, à l’occasion de ce bicentenaire, a fait le tour des États-Unis puis sera montrée en Russie dans le courant de 2009. Cette exposition a fait une escale à l’Université du Sud à Sewanee où le professeur George Poe, cousin germain de Hal Poe, a veillé sur le bon déroulement des multiples évènements qui se sont déroulés le 13 février 2009. Pour l’anecdote, l’arrière-arrière grand-père de Hal et de George Poe fut le cousin germain du père d’Edgar Poe et a échangé des courriers avec Edgar Poe et vice versa.

Le musée à Richmond en Virginie est original, il est consacré aux analyses et études de la vie et de l’œuvre d’Edgar Poe. De plus, on retrouve ici l’atmosphère de ce poète ; le jardin a été conçu d’après son poème "To One in Paradise" ("À Quelqu’un au Paradis") et la plupart des fleurs plantées sont celles qu’Edgar Poe a citées dans ses écrits. (Poe Museum, Richmond, Self-Guided Tour, pp. 1 et 2)

La France a découvert Edgar Poe, en 1851, grâce à Charles Baudelaire puis à Stéphane Mallarmé. L’attrait pour Edgar Poe continue en France : par exemple, un colloque sur "L’influence de Poe sur les théories et les pratiques des genres dans le domaine français du 19ème au 21ème siècle" vient d’avoir lieu à Nice, les 22 et 23 janvier 2009, à l’occasion du bicentenaire de la naissance d’Edgar Poe.

La vie de Maurice Rollinat peut paraître éloignée de celle d’Edgar Poe puisque Maurice Rollinat n’a pas perdu tôt ses parents. Il est né en 1846 à Châteauroux. Son père avocat était un grand ami de George Sand et Maurice Rollinat aura la chance de la rencontrer. Elle lui donnera d’ailleurs plus tard, des conseils pour ses poèmes. Bien qu’ayant une formation intellectuelle de qualité, il a du mal à gagner sa vie et n’est pas satisfait de ses emplois. Il voudrait vivre de sa poésie. Il se rend à Paris, rime et édite à compte d’auteur Dans les Brandes en 1877. Il n’a aucun succès au départ. Il met ses vers en musique, participe au club des Hydropathes, fait partie du "Chat Noir". Il est alors apprécié des milieux littéraires. Sarah Bernhardt l’aide à être connu. Il édite Les Névroses en 1883 et fort de son succès, réédite Dans les Brandes cette même année. Les journalistes parlent de lui.

Son père meurt au début de sa vie d’adulte et ce fut pour lui, un choc sentimental et nerveux qui entretiendra ses angoisses et ses souffrances. Ce choc fut ensuite amplifié par le suicide (au cours d’un accès de folie) de son frère Émile qu’il aimait beaucoup. Ces deux deuils lui donnèrent l’impression de vivre dans l’intimité de la mort et le désir d’interroger les figures disparues.

En 1878, il épouse Marie Sérullaz, une jeune femme cultivée, mais très vite ils ne s’entendent plus et se séparent définitivement cinq ans plus tard. Elle lui a inspiré plusieurs poèmes du temps de leur vie commune. Il rêve de gloire littéraire mais il est assailli de crises de migraines tenaces. Lorsque le triomphe se concrétise, il est démuni devant les critiques de certains écrivains et il tourne le dos à la fortune pour se réfugier à Puy-Guillon (1883) puis à la Pouge, sur la commune de Fresselines (1883) dans la Creuse où il vécut jusqu’à la fin de ses jours, pendant vingt ans, avec sa compagne, Cécile de Gournay (Pouettre de son vrai nom). Dans cette demeure, on pouvait voir un corbeau empaillé et le buste de Minerve, en référence au poème d’Edgar Poe "Le Corbeau", auquel il voulait rendre hommage. Il recevra là, de grands artistes dont Claude Monet (en 1889). Il continue d’écrire et publie L’Abîme (1886), La Nature (1892), Les Apparitions (1896), Paysages et Paysans (1899). Sa compagne meurt en 1903. Il sera très marqué par sa disparition, abîmé de chagrin et il se sent effroyablement seul (comme Edgar Poe à la mort de sa femme bien que celle-ci soit décédée plus jeune). Lui aussi tente de se suicider. Il refuse de se soigner. Il est transporté à Ivry dans la clinique du docteur Moreau de Tours et meurt le 26 octobre 1903 dans son lit, sans agonie, sans souffrance, sans effort, d’un cancer ou d’un marasme physiologique, à l’âge de cinquante-sept ans.

L’association des Amis de Maurice Rollinat entretient le souvenir de ce poète qui a longtemps figuré dans le Larousse et dont les poèmes étaient appris dans les écoles. À l’aube de ce XXIème siècle, des universitaires continuent de le choisir pour thème de recherche : actuellement, nous pouvons citer la thèse de Claire Le Guillou, "Maurice Rollinat, Correspondance générale" (2003), le mémoire de master 1 de Jean-Marie Guignard, "Une certaine idée de la vie : la mort, la peur de la mort comme âme des Névroses de Maurice Rollinat", le mémoire de Master 1 d’Elodie Gaden, "Pourquoi lire Les Névroses de Maurice Rollinat ?" (2006), la thèse de la Roumaine Alexandra Ciodaru de l’Université de Piteşti, Roumanie, "Spécificités du langage poétique de Maurice Rollinat", le mémoire en cours de master 1 de Céline Moraud de l’université de Brest sur Les Névroses de Maurice Rollinat.

De ces deux biographies, deux grands traits se dégagent : la marque de la mort d’êtres chers à un âge de vie fragile et le désir de gloire littéraire contrebalancé par un état maladif chronique évoluant sous formes de crises épisodiques, alcooliques chez Edgar Poe, migraineuses chez Maurice Rollinat. Ces états expliquent en partie le caractère sombre et morbide de leurs écrits.

 

Des regards d’écrivains

Des écrivains très différents ont fait les éloges d’Edgar Poe :

Charles Baudelaire (1821 - 1867) avait une admiration sans bornes pour lui : "Aucun homme, je le répète, n’a raconté avec plus de magie les exceptions de la vie humaine et de la nature ; - les ardeurs de curiosité de la convalescence ; - les fins de saison chargées de splendeurs énervantes, (…) l’hallucination, laissant d’abord place au doute, bientôt convaincue et raisonneuse comme un livre ;" (Charles Baudelaire, Edgar Poe, sa vie et ses œuvres, introduction à la traduction de Histoires extraordinaires, p. XXIX)

Dostoïevski (1821 - 1881) dit : "Il choisit presque toujours la réalité la plus exceptionnelle, met son personnage dans la situation la plus exceptionnelle sur le plan extérieur ou psychologique." (Wikipédia, article sur Edgar Allan Poe, p. 17)

Citons Paul Valéry (1871 - 1945) : "Edgar Allan Poe a emprunté la voie du grand art. Il a découvert l’étrange dans le banal, le neuf dans le vieux, le pur dans l’impur. C’est un être complet." (Wikipédia, article sur Edgar Allan Poe, p. 17)

Gaston Bachelard (1884 - 1962), philosophe français, admire son art : "Parmi les écrivains trop rares qui ont travaillé à la limite de la rêverie et de la pensée objective (…) Edgar Allan Poe est l’un des plus profonds et des plus habiles. Par la profondeur du rêve et par l’habileté du récit, il a su concilier dans ses œuvres deux qualités contraires : l’art de l’étrange et l’art de la déduction." (Wikipédia, article sur Edgar Allan Poe, pp. 17 et 18)

Auguste de Villiers de l’Isle-Adam (1838 - 1889) et Marcel Proust l’ont admiré. Gustave Doré a illustré certains de ses textes comme "Le Corbeau" ; Edouard Manet a aussi illustré ce poème. André Breton l’a nommé "surréaliste de l’aventure". (Wikipédia, article Influence littéraire d’Edgar Allan Poe, p. 3)

Certains ont décrié Maurice Rollinat, d’autres mis aux nues. Paul Verlaine affecte de ne pas prendre Maurice Rollinat au sérieux ; il affirme ne l’avoir rencontré qu’une seule fois, il lui "a paru un brin moustachu, à l’air bon garçon, pas vampire du tout, (…)" (Paul Verlaine, Œuvres complètes, tome 5 p. 359).

Jules Lemaître a consacré une rubrique du Journal des Débats (du 19 avril 1886) à sa musique : "(…) je songeais l’autre jour à certaines mélodies sorties du cerveau de cette créature étrange, de ce faune hanté par le surnaturel, qui a nom Maurice Rollinat, à ces mélodies qui semblent vous couler comme une caresse inquiétante tout le long de la moelle épinière et qu’Alphonse Daudet compare à des "piqûres de morphine sympathique"". (cité par Régis Miannay, Maurice Rollinat, Poète et Musicien du Fantastique, p. 444)

Jules Barbey d’Aurevilly (1808 - 1889) a fait ses louanges : "Talent à triple face, M. Maurice Rollinat, trois fois poète, l’était deux fois de trop dans un pays où c’est même souvent trop que de l’être une fois. Il était poète, comme tous les poètes, mais il était le grand diseur et le grand acteur de ses vers, comme il en était le musicien. Il les chantait lui-même sur une musique jumelle, puisée à la même source d’inspiration que sa poésie…" (cité par Régis Miannay dans la réédition de Dans les Brandes de Maurice Rollinat, 1ère page). Il l’a comparé à Charles Baudelaire et à Edgar Poe : "Lui, Rollinat, c’est un diable en acier, en acier aiguisé, qui coupe et fait froid en coupant. Inférieur peut-être à Baudelaire pour la correction lucide et la patience de la lime qui le font irréprochable, Rollinat pourrait bien lui être supérieur ainsi qu’à Edgar Poë par la sincérité et la profondeur de son diabolisme." (Jules Barbey d’Aurevilly, Lyon-Revue n° 17, 1881, p. 633)

Léon Bloy (1846 - 1917), romancier, imprécateur mystique, était enivré de sa musique : "Cette musique donne l’impression religieuse parce qu’elle est infiniment mélancolique et, au fond, pleine d’une tendresse extraordinairement navrée et solitaire." (Léon Bloy, Propos d’un entrepreneur de démolitions, p. 274).

Maurice Rollinat fit aussi "frémir Oscar Wilde, pleurer Leconte de Lisle et s’émouvoir Goncourt" (Georges Lubin dans la préface de la réédition de Dans les Brandes de Maurice Rollinat, p. IX)

Georges Lubin, deuxième président de l’association des Amis de Maurice Rollinat (après Émile Vinchon) a écrit : "Son érotisme (mesuré), son goût du macabre même, son angoisse de visionnaire ne seraient pas déplacés à notre époque. Ni moins encore, son profond sentiment de la nature." (Georges Lubin dans la préface de la réédition de Dans les Brandes de Maurice Rollinat, p. X)

L’association des Amis de Maurice Rollinat continue d’entretenir le souvenir de ce poète et de faire connaître son œuvre à l’aube de ce XXIème siècle. Elle publie un Bulletin annuel d’une centaine de pages actuellement, réunissant des analyses de son œuvre, des conférences d’universitaires, le compte rendu du prix de poésie Maurice Rollinat, etc.

Régis Miannay, Président actuel de cette association, a fait sa thèse sur "Maurice Rollinat, Poète et Musicien du Fantastique". Celle-ci a ensuite été éditée. C’est aussi grâce à lui que la réédition des deux principaux livres de ce poète, Dans les Brandes et Les Névroses, a pu avoir lieu en 1971 ; ils sont toujours en vente aux éditions Lettres Modernes Minard.

André Velter, poète contemporain célèbre, qui dirige les éditions Poésie/Gallimard, a préfacé le livre Les Poètes du Chat Noir et il parle plus particulièrement de Maurice Rollinat au Chat Noir : "Comme appartient à la légende du lieu, l’envoûtement qu’y développait Maurice Rollinat lorsqu’il disait ou chantait ses poèmes en s’accompagnant lui-même au piano. Musicien spontané, improvisateur fabuleux, auteur macabre et satanique, il avait le don de porter le trouble à son paroxysme en "aiguisant l’atroce, raffinant l’angoisse", selon les mots de Léon de Bercy qui avouait en avoir gardé une impression inoubliable." (Les Poètes du Chat Noir, éditions Poésie/Gallimard, p. 25)

 

Leurs œuvres

Pour Edgar Poe, la littérature était vaste : "Pour lui, l’Imagination est la reine des facultés ; mais par ce mot il entend quelque chose de plus grand que ce qui est entendu par le commun des lecteurs. (…) L’Imagination est une faculté quasi divine qui perçoit tout d’abord, en dehors des méthodes philosophiques, les rapports intimes et secrets des choses, les correspondances et les analogies." nous dit Charles Baudelaire (Charles Baudelaire, Notes nouvelles sur Edgar Poe, introduction à la traduction de Nouvelles Histoires extraordinaires, pp. XV et XVI).

Il voulait marquer la littérature de son influence et de ses théories en particulier universelles. Pour lui, le premier but de l’art est esthétique. "L’univers, dit-il, est un poème de Dieu, c’est-à-dire qu’il est parfait. (…) Le poète seul, a l’intuition de cette perfection." Il veut tendre vers la perfection tout en décortiquant le monde, d’une manière mathématique ou en se rapprochant du fictif (Wikipédia, article sur Edgar Allan Poe, p. 13). Comme un intellectuel aux fins littéraires, il est logique, lucide, patient, méthodique en même temps que visionnaire, halluciné. Ce côté mathématique était révolutionnaire pour l’époque.

Maurice Rollinat n’avait pas d’intention philosophique et ses textes sont basés sur du concret et l’expression de son angoisse. Il a d’ailleurs traduit en vers certains poèmes d’Edgar Poe d’une manière très personnelle. Ainsi, il n’entrait pas en concurrence avec Stéphane Mallarmé qui avait commencé à traduire d’une manière très proche du texte, les poèmes d’Edgar Poe dès 1862 ; en tout vingt poèmes et seize romances et vers d’album traduits par Stéphane Mallarmé seront publiés en 1889. Charles Baudelaire plus connu que Maurice Rollinat, a surtout traduit les contes d’Edgar Poe et seulement quelques poèmes. Stéphane Mallarmé et Charles Baudelaire avaient préféré traduire les poèmes d’Edgar Poe en prose, contrairement à Maurice Rollinat. Peut-être aussi Maurice Rollinat, voulait-il privilégier ses impressions, sensations poétiques et le rythme de la métrique ? Charles Baudelaire, lui, insistait sur la "littéralité et la fidélité dans sa traduction" (Claire Hennequet, Baudelaire traducteur de Poe, http://baudelaire-traducteur-de-poe.blogspot.com/, p. 35). Actuellement, Jean Hautepierre, membre de l’association des Amis de Maurice Rollinat, ici présent, a fait une démarche proche de celle de Maurice Rollinat, en publiant une traduction en vers des poèmes d’Edgar Poe.

Maurice Rollinat est avant tout un poète, là où Edgar Poe est surtout un écrivain : en effet, Maurice Rollinat a publié 865 poèmes répartis en neuf livres et écrit de nombreux poèmes inédits ; par ailleurs, il a publié des textes en prose regroupés en deux livres En errant et Ruminations. Edgar Poe a écrit moins de poèmes, une centaine -117 approximativement- (Edgar Poe Society of Baltimore - Works - The Poems of Edgar Allan Poe), (dont des Romances et vers d’album) rassemblés sous le titre Poèmes et une œuvre en prose importante d’environ six cents pages dont les célèbres Histoires extraordinaires (cf. Edgar Poe, La Pléiade) qui est la partie plus connue de son œuvre.

Les titres des livres de ces auteurs sont évocateurs de leur état d’esprit : pour les recueils de poésie de Maurice Rollinat, il s’agit de : Dans les Brandes, Les Névroses, L’Abîme, La Nature, Les Apparitions, Paysages et Paysans ou Le livre de la Nature (anthologie destinée à la jeunesse, avec des emprunts aux recueils déjà publiés) ; pour Edgar Poe, les titres de ces poèmes donnent la tonalité : "Le Corbeau", son poème le plus célèbre, "Le Ver conquérant", "Le Rêve dans le Rêve", "Eldorado", "Le Palais hanté".

Maurice Rollinat, vit dans un présent problématique : Les Névroses reflètent son état d’esprit souvent taciturne et son mal d’être, En errant, son impression de se sentir perdu, toujours en marche vers un ailleurs meilleur difficile à rejoindre, et même inatteignable avec le titre L’Abîme. Ceci est contrebalancé par les autres titres Dans les Brandes, La Nature, Paysages et Paysans, qui témoignent de son attirance pour les plaisirs bucoliques qui ont un côté salvateur d’apaisement pour lui. Pour Edgar Poe, tout est différent malgré la proximité d’expression fantastique et sombre : en effet, ce côté "Histoires extraordinaires" plutôt que faits vécus le déconnecte du réel comme dans "Le Palais hanté" ou "Le Rêve dans le Rêve". Là, point de nature pour l’aider, tout est dans la recherche d’aventures. Edgar Poe veut avant tout nous surprendre. Il ne parle pas de lui directement. Il nous entraîne dans un univers onirique et fantastique, comme s’il ne pouvait qu’oublier la réalité trop dure à vivre. Par contre, tous les deux se rejoignent dans l’atmosphère mortuaire qui se dégage de leurs œuvres : le poème "Esprit des morts" (publié dans L’œil du poète, p. 33) ou la nouvelle "Double assassinat dans la rue Morgue" (dans les Histoires extraordinaires) sont des titres probants de cet état de fait chez Edgar Poe ; parallèlement, le poème "L’amante macabre" est un exemple parmi tant d’autres de l’attraction de Maurice Rollinat, pour le morbide (publié dans Les Névroses).

Après ces généralités, je vais comparer des vers de chacun de ces deux auteurs, en les mettant en parallèle, en choisissant des thèmes entrant en résonance pour l’un et l’autre, afin de faire ressortir leurs caractéristiques essentielles. J’ai choisi comme thèmes marquants pour eux, la musique (sonorités des vers, rythme, refrain...), le macabre, les fantômes, la mort, l’angoisse et l’épouvante, le fantastique, la femme, la sexualité, la sensualité, le corps féminin, la virginité, les bêtes, la nature, les couleurs, les sentiments, le mystique (voire le religieux et son contraire), la fuite du temps, le rêve ou la folie.

 

La musique

Pour tous les deux, la musique est un aspect essentiel de leur poésie et ils ont cherché à mettre en valeur leurs poèmes par la musique : Maurice Rollinat, à la différence d’Edgar Poe, est un compositeur de talent, qui a mis en particulier en musique quatre-vingt-seize poèmes de lui et dix-huit de Baudelaire. Certains poèmes de Maurice Rollinat ont été chantés dans les années 1920 et le sont encore actuellement par des comédiens du XXIème siècle sur les scènes parisiennes et dans toute la France, par exemple Laurence Fosse et Claude Antonini.

Chez Edgar Poe, ses poèmes savamment composés ont des résonances, des effets de style qui dégagent un rythme endiablé, effréné ou oppressant ; sa musique des mots nous fait vibrer. De nombreux compositeurs de son époque ont été inspirés par ses écrits : Claude Debussy, Rachmaninov (poème "Les Cloches") ; des chanteurs contemporains ont voulu mettre en valeur ses textes comme en 1976 le groupe "Pink Floyd", le groupe britannique "Iron Maiden" (The Murders in the rue Morgue), en 1997 le groupe "Arcturus" (poème "Alone"), en 2003, le groupe de rock français a mis en musique le poème "Eldorado", en 2007 le groupe néerlandais "Omnia" a adapté le poème "The Raven", en 1998 la chanteuse Mylène Farmer lui a consacré une chanson ("Allan"), le groupe Sopor Aeternus + The Ensemble of Shadows a adapté certains poèmes d’Edgar Poe (Eldorado, The Sleeper, Alone, The Conqueror Worm...), Jeff Buckley a lu un de ses poèmes ("Ulalume") (Wikipédia, article Influence d’Edgar Allan Poe).

Maurice Rollinat a traduit d’une manière très musicale, quelques poèmes d’Edgar Poe en vers français mais il a privilégié son état d’esprit personnel à la précision de la traduction. Jean Hautepierre s’est attaché "au rythme des textes", nous dit-il et il a voulu de plus "réaliser une traduction elle-même poétique quant au fond - au plus proche de la poésie de Poe". Pour la forme, il s’agit de "vers blancs non rimés, ni assonancés. La lecture est généralement conforme aux règles de diction du vers français." Jean Hautepierre a voulu ici traduire ces vers "dans le respect de la structure des vers en chacune de ces deux langues et dans le respect du message de l’auteur." En effet, on retrouve ici la musicalité surprenante de Poe et la stricte métrique conforme aux textes originaux.

Comparons maintenant la musicalité des mots chez ces deux poètes. Le si célèbre "Corbeau" (écrit en 1845) d’Edgar Poe a une musique ensorcelante par le refrain "Jamais plus" et par le fait que le corbeau parle durant dix-huit strophes pour nous transmettre l’obsession du poète à travers ces deux mots "Jamais plus" qui reviennent en leitmotivs lancinants et lui rappellent son anéantissement devant sa jeune femme malade, tuberculeuse, dont il pressent la mort proche (30 janvier 1847) car son amour va mourir et ne reviendra plus. Voici deux extraits significatifs de cet état de fait, le premier extrait du "Corbeau", le second de "Le Palais hanté" traduits par Maurice Rollinat :

(…)
Et comme il induisait mon pauvre cœur amer
À sourire, l’oiseau de si mauvais augure,
Par l’âpre gravité de sa pose et par l’air
Profondément rigide empreint sur sa figure,
Alors, me décidant à parler le premier :
"Tu n’es pas un poltron, bien que sans nul cimier
Sur la tête, lui dis-je, ô rôdeur des ténèbres,
Comment t’appelle-t-on sur les rives funèbres ?"
             L’oiseau répondit : "Jamais plus !"
(…)

(Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 183)

(...)
Et maintenant, hélas ! le voyageur peut voir
Dans ce val, à travers les fenêtres ardentes,
De grands spectres que des musiques discordantes
Font fantastiquement flotter et se mouvoir,
Tandis qu’un peuple fou comme un fleuve en délire
Franchit la porte pâle, et pour l’éternité
Se rue en s’engouffrant, hideux d’insanité
Et riant aux éclats, ne pouvant plus sourire !

(Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 192)

La musicalité de ces poèmes traduit une atmosphère angoissante, évoquant une expérience nocturne de terreur, de mystère, à l’étrangeté obsédante. Edgar Poe aime utiliser "un jeu savant de sonorités et d’harmonies" (Jean-Louis Curtis, préface des Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 10). Maurice Rollinat entre en résonance avec lui, d’une manière parfois très proche comme dans le poème "Les Chronomètres" où il fait parler la pendule :

LES CHRONOMÈTRES

"Ô mon âme ! ai-je encor le temps d’être crédule,
"Avide et rebrûlé du feu qui me rongea :
     "Quelle heure est-il à ta pendule ?"
                         - "DÉJÀ !"

"Et toi, corps insolent qui défiais les Parques
"Vois-tu filer pour toi la hideuse Clotho :
     "Dis-moi donc l’heure que tu marques ?"
                         - "BIENTÔT !"

(Maurice Rollinat, L’Abîme, p. 176)

Il a écrit de nombreux poèmes où la musique des mots a la première place comme dans "Villanelle du Diable" dont voici le début :

L’Enfer brûle, brûle, brûle.
Ricaneur au timbre clair,
Le Diable rôde et circule.

Il guette, avance ou recule
En zigzags, comme l’éclair ;
L’Enfer brûle, brûle, brûle.

Dans le bouge et la cellule,
Dans les caves et dans l’air
Le Diable rôde et circule.

Il se fait fleur, libellule,
Femme, chat noir, serpent vert ;
L’Enfer brûle, brûle, brûle.
(…)

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 323)

Ces deux poètes ont parfois choisi le même titre pour leur poème, comme "Les cloches". Voici un extrait de ce poème d’Edgar Poe traduit par Jean Hautepierre. Là aussi la musique est omniprésente. La joie du début de ce poème permet d’accentuer la tristesse du glas final :

               Entends les traîneaux dans le vent -
                              Cloches d’argent !
Et
quel monde éclairé de joie nous annoncent leurs doux chants !
(…)

               Gardant l’accord, l’accord, l’accord,
               En écho des runes du Nord,
Avec les cloches surgissant, les cloches tintinnabulant
                                             Qui font ding, ding, ding, ding,
                                                            Ding, ding, dong -
De leur éclat qui passe et va, cloches au vent.
(…)

(Poèmes d’Edgar Allan Poe, traduction de Jean Hautepierre, p. 29)

Maurice Rollinat a mis en musique son poème "Les Cloches" qui oscille entre deux états d’âme, la mélancolie et la mort latente. Il nous parle du jeudi saint, de la passion du Christ à travers le jeudi saint et de sa mort proche mais ce sont les cloches qui battent le rythme, qui dominent la scène :

Les cloches de nos basiliques
S’esquivent tous les jeudis saints,
Et vont à Rome par essaims
Taciturnes et symboliques.

Quand leurs battants, à coups obliques,
Ont sonné de pieux tocsins,
Les cloches de nos basiliques
S’esquivent tous les jeudis saints.

Et dans leurs robes métalliques
À l’abri des regards malsains,
En rang, comme des capucins,
Elles s’en vont, mélancoliques,
Les cloches de nos basiliques.

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 45)

Maurice Rollinat peut aussi faire sautiller les vers, en un rythme presque endiablé, en utilisant volontairement des vers courts donnant une impression saccadée par un rythme à trois temps comme dans "Le Ciron" :

Corps sensible,
Si vivant…
Décevant
D’invisible,

Pur fantôme
Du menu,
Pour l’œil nu
Presque atome,

Le ciron
Va, vient, cherche,
Descend, perche,
Sûr et prompt.
(…)

(Maurice Rollinat, Les Bêtes, pp. 33 et 34)

Le ciron est un acarien qui, sous la plume de Maurice Rollinat, s’humanise. Ce poème lie le thème de la musique à celui des fantômes si chers à ces deux auteurs.

 

Le macabre, les fantômes

Le macabre n’est pas la mort mais s’en rapproche par son atmosphère lugubre qui plonge ses racines dans la mort. Les fantômes sont souvent représentés par des squelettes recouverts d’un drap mais ils font partie de l’imaginaire, ce qui n’est pas forcément le cas du macabre. Pour Maurice Rollinat, le fantôme, le mort, sont traités comme des êtres vivants comme dans "L’Amante macabre" qui peut être sa fiancée jouant du piano même si cette supposition est controversée :

Elle était toute nue assise au clavecin ;
Et tandis qu’au dehors hurlaient les vents farouches
Et que Minuit sonnait comme un vague tocsin,
Ses doigts cadavéreux voltigeaient sur les touches.

Une pâle veilleuse éclairait tristement
La chambre où se passait cette scène tragique,
Et parfois j’entendais un sourd gémissement
Se mêler aux accords de l’instrument magique.

Oh ! magique en effet ! Car il semblait parler
Avec les mille voix d’une immense harmonie,
Si large qu’on eut dit qu’elle devait couler
D’une mer musicale et pleine de génie.

Ma spectrale adorée, atteinte par la mort,
Jouait donc devant moi, livide et violette,
Et ses cheveux si longs, plus noirs que le remord,
Retombaient mollement sur son vivant squelette.
(…)

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 255)

Pour Edgar Poe, les fantômes sont présents dans un autre monde. Il crée une histoire de toute pièce, hors du réel, comme dans "Eldorado" traduit par Maurice Rollinat :

Depuis longtemps un beau chevalier solitaire,
La chanson sur la lèvre et gaiment accoutré,
Errait, cherchant partout Eldorado sur terre.

Mais quand il reconnut qu’il n’avait rencontré,
Nulle part, rien qui ressemblât à ce royaume,
Il vieillit de terreur et fut désespéré.

Or un spectre passa, flottant comme un atome.
Oh ! fit le cavalier, dis-moi donc où tu crois
Qu’est cet Eldorado, blanc pèlerin fantôme !

Marche, répondit l’ombre, et bannis tes effrois !
Chevauche, encore, encore ! et galope sans trêve
Vers l’éternelle nuit, par-dessus les monts froids,
De la lune ! - C’est là qu’est le pays du rêve !

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, pp. 211 et 212)

Edgar Poe nous entraîne dans des visions funestes proches de l’horreur et semble prendre du plaisir à cela : "C’est là qu’est le pays du rêve !". Maurice Rollinat peut aussi rechercher l’impalpable, l’invisible, le fuyant comme lorsqu’il décrit "Le Vent" :

Élément fantôme, ondoyant,
Impalpable, invisible, ayant
La soudaineté, le fuyant,
          Toutes les forces,
Tous les volumes, tous les poids,
Tous les touchers, toutes les voix,
(…)

(Maurice Rollinat, La Nature, p. 1)

Maurice Rollinat introduit les fantômes dans ses poèmes mais il les décrit avec précision concrètement, réellement. Des fantômes, il est aisé pour ces deux poètes de passer à la mort.

 

La mort

La mort est un thème cher à Maurice Rollinat et de nombreux titres sont évocateurs comme "La Morte embaumée", "La Dame en cire", "Mademoiselle Squelette", "La Mort des Fougères", "La dernière Nuit", "L’Enterrement d’une Fourmi" ou "La Peur".

Maurice Rollinat exprime concrètement sa peur, en parlant des cimetières dans plusieurs de ses poèmes. Il n’hésite pas à se mettre en scène par le "je" pour s’impliquer corps et âme dans cette démarche de la mort qui parle et qui s’associe ainsi pleinement à lui. Le style de Maurice Rollinat est très présent, direct et pessimiste comme dans le sonnet "Le Silence des Morts" :

On scrute leur portrait, espérant qu’il en sorte
Un cri qui puisse enfin nous servir de flambeau.
Ah ! si même ils venaient pleurer à notre porte
Lorsque le soir étend ses ailes de corbeau !

Non ! Mieux que le linceul, la bière et le tombeau
Le silence revêt ceux que le temps emporte :
L’âme en fuyant nous laisse un horrible lambeau
Et ne nous connaît plus dès que la chair est morte.

Pourtant, que d’appels fous, longs et désespérés,
Nous poussons jour et nuit vers tous nos enterrés !
Quels flots de questions coulent avec nos larmes !

Mais toujours, à travers ses plaintes, ses remords,
Ses prières, ses deuils, ses spleens et ses alarmes,
L’homme attend vainement la réponse des morts.

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 382)

Maurice Rollinat se décharge d’un vécu qui est resté angoissant pour lui, en ricanant de la mort. Pour Edgar Poe, la mort est différente ; elle fait partie d’une histoire qu’il a du plaisir à raconter. Le côté macabre ne semble pas l’effrayer mais lui donner un certain plaisir comme dans "Le Ver conquérant" traduit par Maurice Rollinat, et dont voici deux extraits :

Or, c’est nuit de gala ! durant ces jours de larmes,
De nombreux séraphins en pleurs, le front voilé,
Sont assis au milieu d’un théâtre isolé
Pour voir un drame plein d’espérance et d’alarmes.
(…)

Mais un être rampant que l’on entend à peine
Fait soudain son entrée - un être inattendu
Qui, parmi les acteurs, s’avance, affreux, tordu,
Rouge de sang, du coin le plus noir de la scène.

Il se tord ! il se tord ! tout le tas effrayé
Fou d’angoisse, devient sa pâture, et chaque ange
Se lamente en voyant les dents du ver qui mange
Et mâche des morceaux de sang humain caillé.
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, pp. 193, 194 et 195)

Maurice Rollinat entraîne la vie réelle dans la mort avant la mort, alors qu’Edgar Poe nous emporte dans un royaume lointain dans le temps et dans l’espace où la vie peut rejoindre la mort dans une union plus profonde et plus durable que durant la vie terrestre.

 

L’angoisse et l’épouvante

Par ces deux derniers poèmes, il est facile de lier le thème de la mort à celui de l’angoisse vers l’épouvante. Maurice Rollinat est un être tourmenté mais l’expression de ses idées lui permet de s’en décharger partiellement. Ses poèmes lui servent de soupape de sécurité, lui permettant d’éviter une décompensation vers une dépression, un suicide, une désintégration de la personnalité, une psychose. Ainsi, il est toujours réaliste face à lui-même et conscient de ses troubles comme dans son poème "La Conscience" :

La Conscience voit dans nous
Comme le chat dans les ténèbres.
Tous ! les obscurs et les célèbres,
L’impie et le moine à genoux,

Nous cachons en vain nos dessous
À ses regards froids et funèbres !
La Conscience voit dans nous
Comme le chat dans les ténèbres.

Tant que l’Esprit n’est pas dissous,
Et que le sang bat les vertèbres,
Elle déchiffre nos Algèbres,
Et plonge au fond de nos remous.
La Conscience voit dans nous ! -

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 6)

Maurice Rollinat recherche le fantastique, le macabre spontanément car ils font partie de sa manière d’exister. Edgar Poe, lui, utilise l’expression de ses idées comme conversion de ses pulsions mais il n’est pas réaliste vis-à-vis de lui-même puisqu’en aucun cas, il ne parle de ses troubles ; cette inconscience lui fait franchir un pas de plus que Maurice Rollinat vers la psychose, par exemple dans le poème "Annabel Lee" lorsqu’il dit : "I lie down in her sepulcre", il ne prend pas conscience de son angoisse vis-à-vis de sa femme morte mais il plonge avec elle dans la mort. Il vit dans un rêve comme dans son poème "Un Rêve dans un Rêve" :

Plus qu’un baiser ! je pars ! oh ! mais qu’auparavant,
Cet aveu de mon âme en ton âme se plonge :
Tu ne te trompes pas ! oui ! je rêve en vivant,
Et mes jours écoulés n’ont tous été qu’un songe.
Que l’espoir un instant ait brillé sur mon toit,
Qu’il m’ait ou non séduit avec un seul mensonge,
          Qu’importe ! il a fui loin de moi.
          Hélas ! partout, sans fin ni trêve,
Tout ce que l’on paraît et tout ce que l’on voit
          Tout n’est qu’un rêve dans un rêve !
Au bord d’un océan sillonné par la trombe
Je serre dans ma main des grains de sable d’or,
Mais pendant que je pleure et que je pleure encor,
Ils glissent dans le trou : l’un après l’autre y tombe.
Oh ! Dieu ! puis-je en crispant l’étreinte de mes doigts
En disputer un seul - rien qu’un seul ! à la tombe
          Qui bâille dans ces flots si froids ?
          Hélas ! partout, sans fin ni trêve
Tout ce que je parais et tout ce que je vois
          N’est-il qu’un rêve dans un rêve !

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, pp. 197 et 198)

La seule phase dépressive qui aurait pu conduire Maurice Rollinat à la psychose, voire à la démence, a eu lieu à Paris, vers 1883, alors qu’il était séparé de sa femme et que les critiques acerbes le blessaient profondément. Sa décision de repartir vivre à la campagne, lui a permis d’éviter cette décompensation. Pour Edgar Poe, cette compensation n’a pas lieu ; lorsqu’il perd sa femme, il dit "Je devins fou" (cité par Jean-Louis Curtis dans la préface de Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 15). Cette seule prise de conscience lui permit de ne pas sombrer totalement dans la démence. L’angoisse et l’épouvante reflètent la souffrance profonde de ces deux auteurs, exprimable pour Maurice Rollinat, la plupart du temps confiée dans un ailleurs pour Edgar Poe.

 

Le fantastique

Le sens premier de fantastique veut dire "qui n’existe qu’en imagination" puis ce sens s’étend à "qui paraît insolite, étrange, onirique", enfin "remarquable, exceptionnel par sa démesure" (Maxidico, p. 466)

Pour Edgar Poe, "La Vallée de l’Inquiétude" traduite en prose par Mallarmé (Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 85) en est un exemple parmi tant d’autres. Edgar Poe utilise l’opposition entre la paix du début de son poème "Autrefois souriait un val silencieux (…)" et le présent angoissant ; le malaise et le mal d’être se précisent au fur à mesure que le poème se déroule :

Maintenant, tout visiteur confessera l’instabilité de la triste vallée. Il n’y a rien d’immobile - rien sauf les airs qui accablent la magique solitude. Ah ! aucun vent ne trouble ces arbres qui palpitent comme les mers glacées autour des brumeuses Hébrides ! Ah ! aucun vent ne pousse ces nuages qui frémissent par les cieux inquiets, avec malaise, du matin au soir, au dessus des violettes qui sont là par myriades de types de l’œil humain - au-dessus des lis qui ondulent et pleurent sur une tombe sans nom. Ils ondulent : de leurs odorants sommets d’éternelles rosées tombent par gouttes. Ils pleurent : de leurs délicates tiges les pérennelles larmes descendent en pierreries.

(Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, pp. 85 et 86)

Ici, tout est poésie dans un univers onirique où les fleurs ont des sentiments et symbolisent la pureté de la femme avec l’image des lis. Tout est mystère et reste mystère jusqu’à la fin du poème, accentuant l’effet fantastique. Edgar Poe transcende sa souffrance en surnaturel vers un monde irréel rempli de fleurs qui pleurent ; la magie du mystère lui permet de positiver et d’embellir cet univers où il se réfugie. Ses histoires de rêve et d’un au-delà inconnu augmentent l’impression de fantastique. Dans "Le Corbeau", l’oiseau est à la première place d’une manière vivante, fascinante, frappant l’imagination et les zones obscures de la sensibilité car le Corbeau parle alors que dans "La Vallée de l’Inquiétude", c’est le rêve qui domine. De très nombreux poèmes d’Edgar Poe, porte le sceau du fantastique comme "Le Palais Hanté", "La Cité en la Mer", "Annabel Lee", "La Dormeuse", "Ballade de Noces", "À Quelqu’un Au Paradis".

Edgar Poe est à juste titre, un maître reconnu du fantastique et Maurice Rollinat se sent proche de cet état d’esprit et recherchera dans ses poèmes, cette atmosphère comme dans "Les Glas" ou "Les Larmes" ou "Le Cœur mort" où le rêve est présent dès le premier vers "Je rêvais que mon cœur flottait dans le château" mais où le poète reste toujours dans la lucidité du concret avec l’emploi du "je" et des réflexions qui le rattachent à la vie réelle comme "Mon cœur vit ! (…)", pensées contrebalancées par l’impact de l’irréel. Voici ce poème "Le Cœur mort" :

Je rêvais que mon cœur flottait dans le château
Au-dessus d’une coupe étrange et poussiéreuse :
- Pour y saigner, bien sûr ! Car sa plaie est si creuse
Que le temps y retourne encore le couteau !

Eh quoi ? La chose alors était par trop affreuse :
Ni la meule du spleen, ni les coups de marteau
Du malheur, ni l’angoisse aux mâchoires d’étau
Ne pouvaient exprimer sa pourpre douloureuse.

Mon cœur vit ! m’écriai-je, il palpite ; il ressent !
Je perçois son tic-tac, et certes, c’est du sang,
Du sang qui va couler de sa blessure ouverte !

Mais non ! Il était mort, archi-mort, et si mûr,
Qu’une larme de pus nauséabonde et verte
En suinta lentement comme l’eau d’un vieux mur.

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 356)

Ces textes montrent bien l’expression du fantastique chez ces deux poètes, dans un monde irréel pour Edgar Poe, dans la souffrance exprimée pour Maurice Rollinat. Le fantastique exacerbe l’angoisse de Maurice Rollinat, tend vers l’épouvante et le macabre, tout en restant dans le rêve pour Edgar Poe. Le fantastique est exacerbé chez Edgar Poe alors que le concret reste présent chez Maurice Rollinat.

 

La femme

La femme dont parle Edgar Poe, est plurielle : c’est tout d’abord la sienne qui est une malade tuberculeuse, morte à vingt-quatre ans (Lucie Delarue-Mardrus, Œuvre, vie, amours d’Edgar Poe, La Revue de Paris du 15 novembre 1925, p. 299) et d’autres femmes qu’il a connues ensuite dont Hélène (qu’il a courtisées sans arriver à refaire sa vie), enfin sa mère adoptive et sa mère naturelle. Il a beaucoup aimé sa mère adoptive et il le dit dans son poème "À ma mère" traduit par Jean Hautepierre ; c’est un des rares moments où Edgar Poe parle de la réalité :

Puisque je sens que, dans les Cieux très hauts,
Se parlant bas l’un à l’autre, les anges
Ne trouvent pas, dans leurs brûlants termes d’amour,
De mot plus vénéré que n’est celui de "Mère,"
Ainsi depuis longtemps je vous ai appelée -
Vous qui pour moi êtes plus qu’une mère,
Dans le cœur de mon cœur, où vous a installée
La Mort, en libérant l’esprit de Virginie.
Ma mère, qui mourut si tôt - ma propre mère,
Était uniquement ma mère à moi ; mais vous,
Mère de celle à qui j’ai voué tant d’amour,
M’êtes plus chère ainsi que ma mère d’antan,
Aussi infiniment que ma femme à mon âme
Fut plus chère toujours qu’à cette âme sa vie.

(Poèmes d’Edgar Allan Poe, traduction de Jean Hautepierre, p. 122)

Edgar Poe nous parle de sa nouvelle bien aimée après la mort de son épouse, dans son poème "Hélène" mais il reste dans le souvenir de son premier amour mort et Maurice Rollinat le traduit ainsi :

(…)
C’est là, que dans la plus funèbre des toilettes,
Tout en blanc, l’air vitreux comme un spectre endormi,
Tu m’apparus, plaintive et couchée à demi
Sur un long tertre vert fleuri de violettes,
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 206)

Au contraire, l’épouse de Maurice Rollinat est bien vivante et il peut la décrire morte. Elle est aussi un baume pour son cœur angoissé, un ange qui veille sur lui. Certains acrostiches reproduisant le nom de sa femme Marie Serullaz dans son livre Les Névroses, en sont une preuve comme "L’Ange gardien", "L’ange pâle", "Les étoiles bleues", "Aquarelle", "À l’inaccessible" ou "L’Étoile du Fou". Lorsqu’il se sépare de sa femme, il vit déjà avec une compagne, Cécile de Gournay (Pouettre de son vrai nom) dont il ne parlera pas dans ses poèmes. Il vivra avec elle vingt ans c’est-à-dire jusqu’à la mort de celle-ci. Sa mère, Isaure Rollinat, est en bonne santé ; elle mourra après son fils, à plus de quatre-vingt-cinq ans et il lui écrira des lettres toute sa vie, pour lui demander de l’argent et quand il voudra se réconcilier avec son épouse à la mort de Cécile Pouettre ; par contre, sa mère n’a pas de place dans ses poèmes.

Maurice Rollinat a connu de nombreuses femmes et il parle de ces rencontres passagères comme dans "À une Mystérieuse" ou dans son poème "Fuyons Paris" lorsqu’il dit au premier vers : "Ô ma si fragile compagne, (…)" (Dans les Brandes, p. 3)

Un des poèmes les plus significatifs de Maurice Rollinat à ce sujet est "L’amante macabre" que nous avons lu dans le chapitre sur les fantômes. C’est là un étonnant portrait.

Chez Edgar Poe, les figures évoquées sont celles d’enfants ou d’êtres surnaturels, anges ou démons. Ce passé presque mythique rejoint celui de l’enfance, des amours enfantines plus fortes que celles des grandes personnes et qui ne seront pas détruites par la mort. C’est au contraire dans la nuit du tombeau qu’elles trouvent leur accomplissement. La douleur de la perte de sa bien-aimée et le rêve comme moyen d’évasion dominent. Maurice Rollinat, lui, est dans le concret de la chair lorsqu’il parle de la sexualité et de la sensualité féminine alors qu’Edgar Poe ne fait que le suggérer avec délicatesse et respect.

 

La sexualité, la sensualité, le corps féminin, la virginité

Le regard d’Edgar Poe sur la sexualité féminine est douloureux comme dans "Ulalume" :

(…) Alors mon cœur devint de cendre et grave, comme les feuilles qui étaient crispées et mornes - comme les feuilles qui étaient périssables et mornes (...)

(Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 56)

Ici, le corps est devenu invisible juste représenté par une métaphore. Dans "Annabell Lee" qui est le dernier poème écrit par Edgar Poe avant sa mort et publié après sa mort, la femme est citée mais jamais décrite :

Il y a mainte et mainte année, dans un royaume près de la mer, vivait une jeune fille, que vous pouvez connaître par son nom d’ANNABEL LEE (…).

(Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 64)

Edgar Poe a courtisé d’autres femmes qui l’ont délaissé et sont donc mortes d’une certaine manière ; il l’exprime par exemple dans "Hélène" :

(…)
Tout, hormis toi, hormis moins que toi, hormis l’âme,
Qui faisait resplendir ton regard anxieux
Si douloureusement dirigé vers les cieux,
Tout alors s’éteignit comme une vaine flamme.
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 207)

Parfois le corps prend vie et forme d’une manière fugace qui préfigure la mort, mais tout est en délicatesse. L’amour dure encore, comme dans "Pour Annie" :

Tendrement elle m’embrassa : affectueusement me caressa, et je tombai alors doucement sur son sein, - dormir profondément à cause des cieux de son sein.

(Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 82)

Les vers d’Edgar Poe oscillent ici entre le rêve, la souffrance, la tristesse. Il s’enfuit alors dans une histoire qu’il raconte et qui l’apaise comme dans la première partie de son poème "Hélène", lorsque le soleil verse ses rayons sur les visages des roses :

Je te vis une fois, rien qu’une fois ! la nuit.
À quel moment précis de mes heures damnées ?
Je dois le taire, mais il y a peu d’années.
C’était par un juillet délectable, à minuit.
Avec l’ambre argenté de ses lueurs moroses
La lune qui cherchait le ciel comme ton cœur
- Versait la volupté, l’extase et la langueur
Sur les visages frais et soulevés des roses.
Dans le parc, où le bruit du fantôme épié
Troublait seul le repos de l’atmosphère grise,
Dans un jardin magique et morne, où nulle brise
N’osait bouger, sinon sur la pointe du pied.
- Versait ses rayons sur les visages des roses
Qui, pour remercier ces frôlantes lueurs,
Exhalaient leur essence et leurs âmes de fleurs
Dans un trépas rempli de la stupeur des choses.
- Versait son rayon pâle et doux qui tremblotait
Sur les visages frais et soulevés des roses
Qui riaient et mouraient avec de vagues poses
Dans ce jardin d’amour que ta vue enchantait.
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, pp. 205 et 206)

Bien sûr, les roses symbolisent son amour perdu et retrouvé dans la fraîcheur de la nature qu’il humanise avec un visage de douceur. Edgar Poe se réfugie là encore dans l’irréel. Avec lui, femme, tu gardes "dessus les cils de tes paupières closes", "le sommeil" de l’éternité (Poèmes d’Edgar Allan Poe, traduction de Jean Hautepierre, p. 99).

Contrairement à Edgar Poe qui idéalise le corps féminin et regrette sa femme adorée ou perdue, Maurice Rollinat nous parle de sa femme bien vivante comme d’un squelette dans "L’Amante macabre" et de son attrait de la chair comme dans le chapitre au titre significatif "Les Luxures" dans son livre Les Névroses. Le poème "La Chair" en est un exemple parmi d’autres :

La chair de femme sèche ou grasse
Est le fruit de la volupté
Tour à tour vert, mûr et gâté
Que le désir cueille ou ramasse.
(…)

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 80)

Il est indéniable que Maurice Rollinat aime aussi sa femme à sa manière. Il la décrit avec douceur, dans de nombreux poèmes des Névroses, en particulier dans le chapitre "Les Âmes".

Mais Maurice Rollinat est aussi là, en voyeur et en ogre dévoreur et cela correspond à sa vie de garçon dévergondé qui fréquentait les maisons de passe. Il est aussi un épicurien qui goûte les plaisirs du corps. D’ailleurs il a écrit de très nombreux poèmes sur le corps humain un peu comme au Moyen-âge où on louait une partie précise du corps dans les blasons (comme les poètes Étienne de La Boétie, Maurice de Scève, Pernette du Guillet, Guy de Tours, Catherine d’Amboise et tant d’autres). On peut citer de nombreux titres de poèmes de Maurice Rollinat : "Les Seins", "Les Dents", "Les Yeux", "Les cheveux", "La Chanson des Yeux", "Les Lèvres", etc. Ce qui est aussi caractéristique de la sensualité de Maurice Rollinat, c’est l’imprégnation des "cheveux" dans de très nombreux poèmes en particulier sur la nature, comme dans "Les châtaignes" :

- "Oh ! chère mignonne, tu saignes !"
Et je suçai son joli doigt,
Comme tout amoureux le doit.
Gare aux piqûres de châtaignes !

Libres des grands et petits peignes,
Ses cheveux flottaient dans l’air froid.
- "Oh ! chère mignonne, tu saignes !"
Et je suçai son joli doigt.

- "Fi ! c’est mal qu’ainsi tu m’étreignes."
C’était l’heure où le jour décroît.
- "Laisse-moi bien vite ! on nous voit !"
- "Ce n’est pas quelqu’un que tu craignes !
"Oh ! chère mignonne, tu saignes."

(Maurice Rollinat, Dans les Brandes, pp. 179 et 180)

Si Edgar Poe parle du sourire de sa bien aimée qui s’évanouit, de ses yeux, ce sont toujours un sourire qui s’éloigne, des yeux lointains, des yeux rêvés, comme dans "Hélène" :

(…)
La lune déroba son sourire perlé,
Et tout subitement disparut comme un songe.
(…)
Je ne vis que tes yeux (et pour mon cœur maudit
Quelles félicités pouvaient être meilleures ?) -
Je ne vis que tes yeux navrés - pendant des heures
Jusqu’à ce que la lune obscure descendit.
Oh ! quels récits je lus dans ces yeux de colombe !
Quel vouloir ! quel amour ! quelle fatalité !...
Quelle horreur ! quel espoir ! quelle tranquillité
Dans ces gouffres d’orgueil muets comme la tombe !
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, pp. 207 et 208)

Si Edgar Poe parle des cheveux, ce sont ceux de la tristesse ; ils symbolisent la mort de celle qu’il aime encore, comme dans "La Dormeuse" :

(…)
Oh ! mais par-dessus tout ! étranges la longueur
De tes cheveux épars accablés de langueur
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 201)

Edgar Poe ne parle pas directement de la virginité mais effleure ce thème comme dans "La Dormeuse" :

(…)
Que le ciel la protège au royaume de l’ombre
Quand elle aura quitté, dans un râle étouffant,
Sa chambre virginale et sa couche d’enfant
Pour un gîte plus pur et pour un lit plus sombre !
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 202)

Edgar Poe décrit la femme encore vierge comme dans un rêve et avec une délicatesse presque respectueuse, dans ce même poème "La Dormeuse" :

Les vierges à cette heure étendent leurs bras nus
Sur les oreillers blancs aux toiles satinées :
Et vois, Irène dort avec ses destinées,
Là, sa fenêtre ouverte aux souffles inconnus.
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 200)

La virginité est pour Edgar Poe, le souvenir de sa bien aimée morte et tout se base sur cette image contrairement à Maurice Rollinat qui aime la chair et est attiré par la virginité. Voici certains titres de ses poèmes significatifs : "Les Yeux des Vierges", "Les Vierges", "Vierge damnée", "La Virginité". Maurice Rollinat introduit cette idée parfois à l’improviste comme dans le dernier paragraphe de "Les Violettes" :

Sous les tuniques dégrafées
Le sein des vierges s’en embaume,
Le vivant, le mort, le fantôme
Se parfument de leurs bouffées,
Les violettes sont des fées !

(Maurice Rollinat, La Nature, p. 253)

François Lemaire, Jean Hautepierre, Catherine Réault-Crosnier et Régis Crosnier, lors de la conférence Maurice Rollinat et Edgar Poe en poésie, à la médiathèque de Châteauroux, le 1er mars 2009.

François Lemaire, Jean Hautepierre, Catherine Réault-Crosnier et Régis Crosnier, lors de la conférence
"Maurice Rollinat et Edgar Poe en poésie", à la médiathèque de Châteauroux, le 28 février 2009.

 

Les bêtes

Si la femme tient une place importante chez ces deux poètes, chacun à sa manière, il en est de même pour les animaux. Cette place est primordiale pour Maurice Rollinat car les bêtes soit l’apaisent, soit lui permettent d’expulser ses angoisses, comme le chien fidèle ou le chat dont on peut penser qu’il envie le caractère libre. Pour Edgar Poe, les animaux viennent d’un monde lointain.

Maurice Rollinat parle avec tendresse de ses bêtes familières comme dans "Mort de Pistolet" :

Mon fidèle partout, sûr en toute saison,
Par qui je ruminais des chimères meilleures,
Ma vraie âme damnée, humble à toutes les heures,
Mon ami des chemins comme de la maison.

Mon veilleur qui, pour moi, faisait guetter son somme,
Qui, par sa tendre humeur, engourdissait mon mal,
M’offrant sans cesse, au lieu du renfermé de l’homme,
Dans ses bons yeux parlants, son âme d’animal.

Il repose à jamais là, mangé par la terre,
Mais je l’ai tant aimé, d’un cœur si solitaire,
Que tout son cher aspect, tel qu’il fut, me revient.

L’appel de mon regret met toujours à mes trousses,
Retrottinant, câlin sous ses couleurs bruns-rousses,
Le fantôme béni de mon pauvre vieux chien.

(Maurice Rollinat, Les Bêtes, pp. 113 et 114)

Sa vision du chat peut nous étonner ; il le décrit sauvage, libre, fier de sa liberté, sensuel, aimant flâner, rêver, comme dans son poème "Étude de Chat" :

Longue oreille, des crocs intacts, de vrais ivoires,
          Le corps svelte quoique râblu,
Son beau pelage court et gris à barres noires
          Lui faisant un maillot velu ;

Des yeux émeraudés, vieil or, mouillant leur flamme
          Qui, doux énigmatiquement,
Donnent à son minois le mièvre et le charmant
          D’un joli visage de femme.

Avec cela rôdeur de gouttières, très brave,
          Fort et subtil, tel est ce chat,
Pratiquant à loisir le bond et l’entrechat,
          Au grenier comme dans la cave.
(…)

(Maurice Rollinat, Les Bêtes, pp. 105 et 106)

Ou dans "Le chat" :

Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire
Par son être magique où s’incarne le sphinx ;
Par le charme câlin de la lueur si claire
Qui s’échappe à longs jets de ses deux yeux de lynx,
Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire.
(…)

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 103)

Ce n’est pas un hasard si Maurice Rollinat a consacré un livre entier aux animaux intitulé Les Bêtes et une grande partie de ses livres Dans les Brandes et La Nature. Les animaux ont leur part bienfaisante dans l’apaisement des souffrances du poète. Le côté fantastique peut dominer et les bêtes font alors frissonner comme lorsqu’il met en scène "Les serpents" ou "Les Rats" qui comprend trente-quatre strophes. En voici un extrait au rythme sautillant qui les rend sympathiques malgré tout :

(…)
L’homme ronfle en ses draps
Alors sortent les rats,
Aussi fins scélérats
          Que peu gras.

Grisâtres, bruns et roux,
Moustachus peu ou prou
Ils font près de leurs trous
          Des froufrous.
(…)

(Maurice Rollinat, Les Bêtes, p. 62)

Pour Edgar Poe, pas de compagnons de route ni d’êtres que l’on aime décrire minutieusement en liberté. Par contre il parle du "Ver conquérant" : "Infortuné pantin, qui va, passe et repasse" (Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 194).

Avec lui, les animaux sont là uniquement pour nous faire frissonner ou mettre en valeur l’intensité de son rêve mortuaire, comme dans son poème "Le Ver conquérant" :

(…)
Ce drame tourmenté, certes, est inoubliable
Avec son ombre vaine, insaisissable aimant
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 194)

De même dans ses œuvres en prose, (comme dans "Le Puits et le Pendule"), Edgar Poe met en scène des rats qu’il qualifie par exemple de "voraces" et "effrayés" (Edgar Poe, Prose, La Pléiade, p. 383). Là encore, le fantastique domine.

Ces bêtes-là n’ont rien à voir avec les descriptions minutieuses de Maurice Rollinat comme par exemple dans son livre Dans les Brandes qu’il a dédié à George Sand car elle lui avait conseillé d’écrire sur la nature. Voici quelques titres de poèmes de ce recueil parmi d’autres "Les dindons", "Le lézard", "La vipère", "Le pivert", "La jeune pintade", "Le chat-huant", "Les Corbeaux" ou "Le lamento des tourterelles". Tous ces animaux prennent vie et ont été bien observés par cet amoureux de la nature, Maurice Rollinat.

Là où ces deux poètes se rejoignent, c’est autour du "Corbeau". Maurice Rollinat a aussi écrit un poème "Les Corbeaux" (Dans les Brandes, p. 236) de treize vers qu’il a mis en musique. Il cite aussi cet oiseau au début de son poème sur Edgar Poe :

Edgar Poe fut démon, ne voulant pas être Ange.
Au lieu du Rossignol, il chanta le Corbeau ;
(…)

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 56)

Pour Edgar Poe, son poème "Le Corbeau" est certainement le plus connu de ses poèmes, si vivant par le fait que cet oiseau parle un langage humain. Il nous dit et nous répète que rien ne revient "Jamais plus". Même si Maurice Rollinat met en scène le corbeau comme dans son poème "La mare aux grenouilles", le côté sombre de la description ne domine pas ; il est contrebalancé par la paix finale :

(…)
Et tout rit : ce n’est plus le corbeau qui croasse
Son hymne sépulcral aux charognes d’hiver :
Sur la lande aujourd’hui la grenouille coasse,
- Bruit monotone et gai claquant sous le ciel clair.

(Maurice Rollinat, Dans les Brandes, p. 56)

 

La nature

Les bêtes sont le fil conducteur qui nous conduit à la nature car comment décrire les animaux sans la voir ? Pour Maurice Rollinat, la nature est primordiale ; un livre entier dénommé La Nature y a été consacré et il aborde ce thème dans tous ses livres de poésie. Voici quelques titres significatifs extraits de ces différents ouvrages : pour Dans les Brandes, on peut citer "Le pacage", "À travers champs", "Le chemin aux merles", "Le champ de chardons", pour son recueil Les Névroses, "Ballade de l’arc-en-ciel", "Nuit tombante", "Les Fils de la Vierge", pour son livre La Nature, "Nuit de feuilles", "Le Bois de Houx", "Le Petit Bois", pour Paysages et Paysans, "Le Saule", "Le Val des ronces", "Les Trois Noyers", et tant d’autres encore ! Maurice Rollinat s’est abreuvé de la beauté de la nature et a su en décrire la simplicité comme dans "Au Jardin" :

De la pensée à la rose,
Du chèvrefeuille au lilas,
Court l’insecte jamais las.
Il vit, ni gai, ni morose,
En ses jours neutres et plats
L’existence d’une chose,
Sans désirs et sans hélas,
Au milieu des falbalas
De la fleur nouvelle éclose.
(…)

(Maurice Rollinat, La Nature, p. 140)

Parfois il a aussi mis en scène des paysans ou des petites gens pris sur le vif et en les faisant parler comme dans "Le Ramasseur de bouts de cigares" :

(…)
Mais n’causons pus ! v’la un mirès
Avec sa pouffiass’ en goguette,
Y s’essouff’ à tirer, j’le guette…
J’y ai vu dans la gueule un londrès !

(Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p 142)

ou avec "Le Vieux Pâtre" :

(…)
L’vent d’orag’ vous agit’, vous bouscul’ comm’ les choses.
Surprend vot’ limousin’ comm’ les feuillag’ dormants :
À l’ordinair’, leurs gest’ s’accord’ à vos mouv’ments.
Et, quand vous n’bougez pas, vous avez leurs mêm’ poses.
(…)

(Maurice Rollinat, Paysages et Paysans, p. 34)

Il fait preuve d’une minutie prouvant combien il a observé les gens et plus souvent la nature comme dans son sonnet "Impression d’hiver" :

L’herbe tombe en décrépitude,
L’eau vive gèle au fond des trous :
Seul, un bois de pins et de houx
Reste vert dans la solitude.

Ironique par ce temps rude
Cette couleur a l’air moins doux
Que les tons fanés, bruns et roux.
Dont l’œil prend la morne habitude.
(…)

(Maurice Rollinat, La Nature, p. 34)

Mais Maurice Rollinat a aussi décrit la nature tourmentée à son image comme dans le poème "Les Marnières" quand il écrit :

Les marnières mornes et creuses
Sont les gouffres jaunes des champs.
(…)

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 230)

ou dans "Message du Printemps" où tout est sombre :

Bien que l’hiver soit accompli,
Le printemps reste enseveli :
Dans une atmosphère voilée
Languissent maigres et tremblants
Les arbres nus sous les cieux blancs,
(…)

(Maurice Rollinat, La Nature, p. 231)

Chez Edgar Poe, la nature est étrange, irréelle comme dans "Le Ver conquérant", "Le grand lac est figé dans une paix profonde, (…)" (Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 200) ou dans "Le Palais hanté". Dans ce poème, le côté sombre de la nature à la fin du poème est encore plus marqué par l’opposition avec la première strophe où tout est vert :

                    I
Dans le plus verdoyant de nos vallons déserts,
Au milieu d’un éden hanté par les bons anges,
Jadis un beau palais aux murailles étranges,
Un rayonnant palais se dressait dans les airs.
C’était sur les états du monarque Pensée ;
C’était en cet endroit qu’il surgissait du sol.
Jamais nul séraphin ne déploya son vol
Au-dessus d’un manoir à tour plus élancée.

                    II
Des oriflammes d’or, des drapeaux éclatants
Frissonnaient à son dôme et claquaient par centaines.
Tout cela, c’était à des époques lointaines
Au plus creux du passé, dans le vieux, très vieux temps.
Et puis toutes les fois que dans ces jours paisibles
Le zéphyr se jouait sur l’herbe et les talus,
Le long des hauts remparts, blêmes et chevelus,
Un arôme entr’ouvrait ses ailes invisibles.

                    III
Dans cet heureux vallon, le passant attardé
Distinguait à travers deux vitres flamboyantes
Des esprits qui dansaient en vapeurs ondoyantes
Au rythme impérieux d’un luth bien accordé.
Près d’un trône où siégeant d’un air fantomatique
- Vrai porphyrogénète et seigneur celui-là ! -
Dans une majesté digne de son éclat
Apparaissait le roi du palais fantastique.
(…)

                    VI
Et maintenant, hélas ! le voyageur peut voir
Dans ce val, à travers les fenêtres ardentes,
De grands spectres que des musiques discordantes
Font fantastiquement flotter et se mouvoir,
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, pp.189, 190 et 192)

Par contre, les fleurs font partie du décor chez Edgar Poe et les roses ont souvent leur place et ont des sentiments comme "ces sommeillantes roses" (Edgar Poe, À Hélène, Poésie/Gallimard, p. 78) ou "les fleurs heureuses et les gémissants arbres (…) des roses même l’odeur mourut dans les bras des airs adorateurs." (Edgar Poe, À Hélène, Poésie/Gallimard, p. 78) ou "les figures levées de mille roses qui croissaient dans un jardin enchanté" (Edgar Poe, À Hélène, Poésie/Gallimard, p. 77), ou "Le romarin salue la tombe, le lis flotte sur la vague" (Edgar Poe, La Dormeuse, Poésie/Gallimard, p. 66). Le titre d’un de ses poèmes est très évocateur "Terre de Songe" (Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 74) où l’on côtoie d’ "Insondables vallées et flots interminables, vides et souterrains, (…)" (Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 74). En effet, la nature est toujours rêvée, brumeuse ; c’est la terre d’un ailleurs.

Edgar Poe détaille d’ailleurs plus ses cieux avec lune, étoiles, soleil, brume : "Car la lune jamais ne rayonne sans m’apporter des songes de la belle ANNABEL LEE ; et les étoiles jamais ne se lèvent que je ne sente les yeux brillants de la belle ANNABEL LEE (…)" (Edgar Poe, Annabel Lee, Poésie/Gallimard, p. 65) ou : "(…) je suis sous la lune mystique : une vapeur opiacée, obscure, humide, s’exhale de son contour d’or (…)" (Edgar Poe, La Dormeuse, Poésie/Gallimard, p. 66) ou encore "ah ! espoir comme une étoile" (Edgar Poe, À Quelqu’un Au Paradis, Poésie/Gallimard, p. 58).

Là encore le rêve domine chez Edgar Poe, tandis que la nature est décrite avec précision chez Maurice Rollinat.

 

Les couleurs

Maurice Rollinat aimait les couleurs ; il était proche de nombreux peintres. En particulier, Claude Monet est même venu à Fresselines, invité par Maurice Rollinat et ils se sont ensuite écrits de nombreuses lettres très amicales. Maurice Rollinat peut parfois ponctuer ces poèmes de notes coloristes comme dans "Fleurs-Papillons" où l’on a l’impression que le poète pose des touches de peinture par ci, par là, délicatement, comme pour peindre un bouquet :

Papillons blancs, papillons roses,
Papillons bleus et violets,
Par leurs teintes, frissons et poses,
Sont les petits frères follets,
Mélancoliques et muets,
Des marguerites et des roses,
De la pensée et des bleuets.
(…)

(Maurice Rollinat, Les Bêtes, p. 13)

Suivent les "papillons rouges" évoquant le "coquelicot" puis les teintes nostalgiques :

(…)
Papillons gris, bruns, jaunes, verts
Miment la pauvre feuille morte,
L’humble mousse des rochers fiers,
Les corolles frêles ou fortes,
Les calices ternes ou clairs.
(…)

(Maurice Rollinat, Les Bêtes, p. 14)

La couleur peut être discrète pour faire ressortir l’impression de communion avec la nature, comme dans le poème "La mousse" que Maurice Rollinat avait mis en musique :

La mousse aime le caillou dur,
La tour que la foudre électrise,
Le tronc noueux comme un fémur
Et le roc qui se gargarise
Au torrent du ravin obscur.

Elle est noire sur le vieux mur,
Aux rameaux du chêne elle est grise,
Et verte au bord du ruisseau pur,
          La mousse.

Le matin, au temps du blé mûr,
Ce joli végétal qui frise
Souffle un parfum terreux qui grise ;
Il boit les larmes de l’azur,
Et le papillon vibre sur
          La mousse.

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 182)

Chez Edgar Poe, la démarche est différente. Les couleurs apparaissent rarement et restent neutres, banales comme un simple décor, ou une aide à la rime comme dans "Le Palais hanté" où l’on trouve "le plus verdoyant de nos vallons déserts" (Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 189). Quand elles s’imposent, les couleurs sont pâles, blanches comme la mort, par exemple dans "À Hélène" :

Tout de blanc habillée, sur un banc de violettes, je te vis à demi gisante, tandis que la lune tombait sur les figures levées de ces roses, et sur la tienne même, levée, hélas ! dans le chagrin.

(Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 77)

 

Les sentiments

Maurice Rollinat reste le poète d’une certaine sensibilité. Dans son livre L’Abîme, les titres de certains poèmes sont évocateurs de nos défauts comme : "L’égoïsme", "La Médisance", "Le Soupçon", "La Luxure", "La Vanité", "L’Orgueil", ou de nos qualités comme "La Douceur", "Le Pardon", "L’Honnêteté", "L’Humilité". Il faut reconnaître que les défauts ont ici plus de place que les qualités, peut-être parce que Maurice Rollinat était pessimiste. Quand il parle des qualités, il doute qu’elles puissent gagner comme dans le final de son poème "L’Humilité" :

(...)
Le Mal te voue à son empire :
Exagères-en la frayeur.
Tu seras peut-être meilleur
En craignant toujours d’être pire.

(Maurice Rollinat, L’Abîme, p. 261)

Cependant Maurice Rollinat garde la notion du bien et du mal, et d’une certaine morale. Pour Edgar Poe, c’est tout autre chose puisque son monde se situe dans le rêve. Il n’y a plus de notion de bien ou de mal, ni de sentiments, de qualités ou de défauts : "Et j’étais plongé dans un rêve obsédant," nous dit Edgar Poe (Le Corbeau, Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 185) ou bien, quand il parle à sa femme morte : "N’as-tu pas peur ? à quoi rêves-tu, ma beauté ?" (La Dormeuse, Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 201) ou bien il raconte ses visions : "Les hideux cauchemars qui cherchent à m’atteindre ;" (Hélène, Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 209) ou encore : "Dans les visions de la nuit, / J’ai rêvé l’espoir qui m’a fui" (Un rêve, Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 213).

Dans cet univers onirique, rien ne nous rattache à la vie terrestre donc aux sentiments humains. Seul l’amour a traversé les frontières de la mort, pour rester dans son esprit.

 

Le mystique

Même si Maurice Rollinat reste loin d’un engagement spirituel, il s’interroge, hésite à croire en un au-delà mais il peut aussi supplier et demander pardon comme dans "La Prière" :

Plus que le genou qui fléchit
Sur les dalles froides d’un temple,
L’œil est pieux lorsqu’il contemple
Et qu’en lui tout se réfléchit.

On est vraiment religieux
Si, devant l’Aube qui se lève,
On a des larmes plein son rêve
Et du sourire plein les yeux.
(…)

Et surtout grande est la prière
Sans autres témoins que l’air nu,
Le ciel et l’eau, l’arbre et la pierre.

(Maurice Rollinat, La Nature, pp. 342 et 345)

Maurice Rollinat était ami avec l’abbé Daure de Fresselines et il jouait d’ailleurs à l’orgue pendant certaines messes ou cérémonies (Régis Miannay, Maurice Rollinat, Poète et Musicien du Fantastique, p. 481) mais s’il allait à la messe, c’était plus parce que l’abbé Daure était un grand ami qui appréciait sa musique. Maurice Rollinat avait la notion du bien et du mal comme il le dit dans son poème "La Bête à Bon Dieu" où il essaie de ne pas nous faire condamner le mal. Peut-être ne sommes-nous pas bons juges, qui sait ?

La bête à bon Dieu tout en haut
D’une fougère d’émeraude
Ravit mes yeux… quand aussitôt,
D’en bas une lueur noiraude
Surgit, froide comme un couteau.
(…)

Malgré son venimeux défaut
Et sa démarche qui taraude,
Qui sait ? Ce pauvre serpent rôde
Bête à bon Diable ou peut s’en faut :
Pour la mère Nature il vaut
          La bête à bon Dieu.

(Maurice Rollinat, La Nature, pp. 105 et 106)

Le mal le hante, il parle d’ "atroce vision" et il nous décrit l’enfer comme dans "La Vision du péché" :

(…)
- Le juste vétilleux qui redoute son être
          Et guette sa tentation,
Sera peut-être, hélas ! le seul à reconnaître
          Que cette atroce vision

Symbolise le repos de notre âme
          Qui, jusqu’à la tombe empêché,
Souffre, lutte et languit dans la démence infâme,
          Sous la Vermine du Péché !

(Maurice Rollinat, L’Abîme, p. 195)

Dans "Le Vieux Cimetière" (La Nature, p. 188), Maurice Rollinat nous confie son dilemme sur l’existence ou non de l’éternité mais le frisson de la mort et le doute dominent, comme dans son poème "L’Ingratitude" :

(…)
Et je dois le conclure en somme :
Tout homme est plus ou moins ingrat,
Puisque le doute scélérat
Est le fond même de tout homme.

(Maurice Rollinat, L’Abîme, p. 268)

Pour Edgar Poe, sa vision mystique reste floue et plus proche de l’onirique que d’un acte de foi. Elle consiste à introduire des anges qui sont cités par-ci, par-là. Par exemple, dans la traduction des poèmes d’Edgar Poe par Stéphane Mallarmé, les anges sont à l’honneur, dans le poème "Le Ver vainqueur" où il dit : "Une multitude d’anges en ailes, parée de voiles et noyée de pleurs" (Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 51) ou dans "Annabel Lee" où il parle des "anges, pas à moitié si heureux aux cieux, vinrent, nous enviant, elle et moi." (Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 65).

Edgar Poe parle aussi du ciel où est sa femme morte : "Que le ciel la protège au royaume de l’ombre" (La Dormeuse, Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 202).

Enfin, il lui arrive de rêver d’un paradis par exemple dans "Un Rêve" :

(…)
Ce beau rêve du Paradis
Dans le mystère,
A réchauffé mon cœur chagrin,
Comme un astre doux et serein
Qui guide l’esprit pèlerin
Et solitaire.
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, p. 214)

ou dans le poème "La Cité en la Mer" où "les bons et les mauvais, les pires et les meilleurs s’en sont allés au repos éternel." (Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 87).

Quand il cite Dieu, cela semble un monde étrange :

Des mimes avec la forme du Dieu d’en haut chuchotent et murmurent bas, et se jettent ici ou là, (…)".

(Le Ver Vainqueur, Poèmes d’Edgar Poe, Poésie/Gallimard, p. 51)

Cette description d’Edgar Poe ressemble plus à une mise en scène théâtrale avec les cieux, des anges qu’à une recherche de Dieu. Pour ces deux poètes, le mystique est à peine esquissé dans l’ensemble de leur œuvre. Cependant on peut considérer que Maurice Rollinat est plus mystique dans le sens où il se pose la question du bien et du mal, des sentiments et peut prier même si cette démarche apparaît d’une manière fugace dans son œuvre.

 

La fuite du temps

Edgar Poe situe bien ses poèmes dans un temps : "Vers le sombre minuit (…)", nous dit-il à la première ligne de son poème "Le Corbeau" et "Jamais plus", ou bien "Or, c’est nuit de gala ! durant ces jours de larmes, (…)" dans "Le Ver conquérant", "Depuis longtemps" dans "Eldorado", "Dans les visions de la nuit" dans "Un Rêve". Tous ces éléments sont flous et renforcent le sentiment d’irréalité et de rêve.

Chez Maurice Rollinat, le temps est compté comme dans "Fuyons Paris" ou dans le poème "Les Chronomètres" que nous avons lu dans le chapitre sur la musique. Le temps peut aussi pour ce poète être très précis comme un élément du paysage : "À l’heure où le grillon racle sa ritournelle" ("La Tonnelle") ou lamartinien comme "En automne, à cette heure où le soir triomphant" ("Ballade du vieux Baudet").

Ces deux poètes plantent leurs poèmes dans le temps mais ce n’est pas le même pour Maurice Rollinat qui reste dans le présent et Edgar Poe qui se situe dans le temps du rêve, autre part.

 

Le rêve ou la folie

Edgar Poe et Maurice Rollinat, qu’ils traitent du présent, du descriptif ou de l’imaginaire, sont toujours à mi-chemin entre le fantastique, le macabre et le rêve. Le rêve est-il folie ou peut-il le devenir ?

Pour Edgar Poe, le rêve reste primordial et même envahissant comme le montrent par exemple les titres de certains de ses poèmes dont "Un Rêve" dont voici le début :

Dans les visions de la nuit,
J’ai rêvé l’espoir qui m’a fui
Au point d’oublier mon ennui,
          Et mes alarmes.
Mais le réveil plein de clarté,
De vie et de réalité,
M’a laissé là, l’œil hébété,
          Le cœur en larmes !

Rêver éveillé : quels calmants
Et béatifiques moments !
Oh ! ce qu’ils ont d’enivrements
          De toutes sortes
Pour le poète infortuné
Qui, dans son œil halluciné,
          A le reflet enraciné
          Des choses mortes.
(…)

(Edgar Poe traduit par Maurice Rollinat, Fin d’Œuvre, pp. 213 et 214)

Le rêve est pour lui un départ vers un ailleurs, pour fuir le présent trop lourd à supporter et l’empreinte indélébile de la mort. Seul, l’éclair de lucidité finale comme en ce poème le retient par un fil fragile pour ne pas sombrer complètement dans la folie.

Pour Maurice Rollinat, le rêve peut aussi être doux comme dans le final du poème "Fleurs-Papillons" :

(…)
Ayant des tons fanés et vieux,
Des couleurs tendres et nouvelles,
Les chers papillons gracieux
Sont pour le rêve de mes yeux
Toutes les fleurs, avec des ailes.

(Maurice Rollinat, Les Bêtes, p. 16)

Lorsque Maurice Rollinat voit des rêves sombres ou fantastiques, il exprime toujours sa hantise de la folie comme lorsqu’il la décrit dans "La Folle" (La Nature) ou lorsqu’il confie son angoisse comme dans "L’Étoile du Fou" :

À force de songer, je suis au bout du songe ;
Mon pas n’avance plus pour le voyage humain,
Aujourd’hui comme hier, hier comme demain,
Rengaine de tourment, d’horreur et de mensonge !

Il me faut voir sans cesse, où que mon regard plonge,
En tous lieux, se dresser la Peur sur mon chemin ;
Satan fausse mes yeux, l’ennui rouille ma main,
Et l’ombre de la Mort devant moi se prolonge.

Reviens donc, bonne étoile, à mon triste horizon.
Unique espoir d’un fou qui pleure sa raison,
Laisse couler sur moi ta lumière placide ;

Luis encore ! et surtout, cher Astre médecin,
Accours me protéger, si jamais dans mon sein
Serpentait l’éclair rouge et noir du Suicide.

(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 60)

Tout poète a une part de rêve. Maurice Rollinat rêve mais sans se désancrer de la vie. Pour Edgar Poe, le rêve prend toute la place dans ses écrits déconnectés du réel. Edgar Poe, a largué les amarres vers un espace de fiction où il se réfugie, mais est-ce encore le rêve ou le chemin vers la folie ?

 

Conclusion

Il n’est pas surprenant que Maurice Rollinat ait été attiré par la poésie d’Edgar Poe, étant donné leur proximité de points de vue et d’expression, en particulier leur singulière attirance pour la musique, le fantastique et le macabre. Cette proximité n’enlève en rien à l’originalité de ces deux écrivains comme cette conférence vous l’a montré. Georges Lubin, deuxième président des Amis de Maurice Rollinat, a dit de ce poète : "C’est un être compliqué, qui s’est cherché lui-même inlassablement, et peut-être désespérément." (Préface de Maurice Rollinat, Poète et Musicien du Fantastique de Régis Miannay, p. X).

Edgar Poe était très moderne pour son temps. Précurseur ou créateur de la science-fiction, il a inauguré un genre totalement neuf, le conte fantastique. Son style se retrouve dans tous ses écrits dont ses poèmes qui ont eu beaucoup de succès pendant la seconde moitié du XIXème siècle en France. Il transcende le meurtre, la souffrance, le surnaturel, l’irréel, le mystère en positif et en beauté. Il nous raconte des histoires de rêve et d’un au-delà lointain, là où Maurice Rollinat parle de lui, de ses impressions, sensations, même lorsqu’il décrit la nature. Edgar Poe construit ses poèmes à froid, d’une manière très logique, sans expression de son angoisse, sans crainte de la folie et du suicide, mais tous les deux nous envoûtent et ont une expression poétique très musicale. Ces deux écrivains expriment des idées personnelles, très fortes. Leur beauté de style ne fait aucun doute, plus déconnecté de la réalité, préférant s’évader dans le rêve pour Edgar Poe, plus descriptif et sensuel pour Maurice Rollinat, mais toujours pour tous les deux, chacun à sa manière, une seule ligne de conduite se profile à l’horizon de leurs mots, une poésie envoûtante et frissonnante.

Mars 2009

Catherine RÉAULT-CROSNIER

 

BIBLIOGRAPHIE

Livres de Maurice Rollinat utilisés :

Rollinat Maurice, Les Névroses, G. Charpentier, Paris, 1883, 399 pages

Rollinat Maurice, Dans les Brandes, poèmes et rondels, G. Charpentier, Paris, 1883, 281 pages

Rollinat Maurice, Dans les Brandes. Préface de Georges Lubin, Texte établi avec présentation et notes par Régis Miannay, Lettres Modernes Minard, Paris, 232 pages, 1971

Rollinat Maurice, L’Abîme, poésies, G. Charpentier, Paris, 1886, 292 pages

Rollinat Maurice, La Nature, poésies, G. Charpentier et E. Fasquelle, Paris, 1892, 350 pages

Rollinat Maurice, Paysages et Paysans, poésies, Bibliothèque Charpentier, E. Fasquelle, Paris, 1899, 332 pages

Rollinat Maurice, Les Bêtes, poésies, Bibliothèque Charpentier, E. Fasquelle, Paris, 1911, 234 pages

Rollinat Maurice, Fin d’Œuvre, Bibliothèque Charpentier, E. Fasquelle, Paris, 1919, 341 pages

Traductions des livres d’Edgar Poe utilisées :

Edgar Poe, Poèmes - Traduction de Stéphane Mallarmé, présentation de Jean-Louis Curtis, Éditions Poésie/Gallimard, Paris, 1982, 185 pages

Edgar Allan Poe, Poèmes traduits de l’anglais par Stéphane Mallarmé, Jean-Marie Maguin, Claude Richard et Christophe Marchand-Kiss, l’œil du poète, Textuel, Paris, 1997, 108 pages

Poèmes d’Edgar Allan Poe, traduction de Jean Hautepierre, Publibook, Paris, 2008, 134 pages,

Edgar Poe, Histoires extraordinaires, traduction de Charles Baudelaire, Michel Lévy Frères éditeurs, Paris, 1875, XXI + 331 pages

Edgar Poe, Nouvelles Histoires extraordinaires, traduction de Charles Baudelaire, Michel Lévy Frères éditeurs, Paris, 1875, XXIV + 288 pages

Edgar Allan Poe, Œuvres en prose traduites par Charles Baudelaire, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, Paris, 1951, 1175 pages

Ouvrages et documents sur Maurice Rollinat utilisés :

Barbey d’Aurevilly Jules, Rollinat - Un poète à l’horizon, Lyon-Revue n° 17, 1881 (pages 629 à 635)

Bloy Léon, Propos d’un entrepreneur de démolitions, Librairie Stock, Paris, 1925, 296 pages

Miannay Régis, Maurice Rollinat, Poète et Musicien du Fantastique, imprimerie Badel, Châteauroux, 1981, 596 pages

Velter André (présentation et choix), Les Poètes du Chat Noir, éditions Poésie/Gallimard, Paris, 1996, 505 pages

Verlaine Paul, Œuvres complètes, tome 5, Librairie Léon Vanier éditeurs, Paris, 1905, 486 pages

Ouvrages et documents sur Edgar Poe utilisés :

Delarue-Mardrus Lucie, Œuvre, vie, amours d’Edgar Poe, La Revue de Paris du 15 novembre 1925 (pages 270 à 301) et du 1er décembre 1925 (pages 578 à 600)

The Edgar Allan Poe Society of Baltimore (http://www.eapoe.org/), en particulier la liste des poèmes (The Poems of Edgar Allan Poe)

The Edgar Allan Poe Museum, Richmond, Virginia, USA (http://www.poemuseum.org/), en particulier la présentation du musée (Self-Guided Tour)

A year of events in Poe’s Virginia (http://www.poe200th.com/) site consacré au bicentenaire de la naissance d’Edgar Poe

Gras Philippe, Les Poèmes d’Edgar Poe traduits de Main de Maître, Le MAGue journal du 19/12/2008, (http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article5587, consulté le 24/01/2009)

Hennequet Claire, Baudelaire traducteur de Poe (http://baudelaire-traducteur-de-poe.blogspot.com/, consulté le 09/12/2008)

Roussel Frédérique, Poe de départ, Libération, édition du 19 janvier 2009, (http://www.liberation.fr/livres/0101312932-poe-de-depart, consulté le 24/01/2009)

Programme du colloque "POEtiques. L’influence de Poe sur les théories et les pratiques des genres dans le domaine français du 19ème au 21ème siècle" organisé par l’Université de Nice Sophia Antipolis (http://revel.unice.fr/loxias/document.html?id=2693, consulté le 24/01/2009)

Wikipédia, Edgar Allan Poe (http://fr.wikipedia.org/wiki/Edgar_Allan_Poe, consulté le 09/12/2008)

Wikipédia, Influence d’Edgar Allan Poe (http://fr.wikipedia.org/wiki/Influence_d’Edgar_Allan_Poe, consulté le 09/12/2008)

Wikipédia, Influence littéraire d’Edgar Allan Poe (http://fr.wikipedia.org/wiki/Influence_littéraire_d’Edgar_Allan_Poe, consulté le 09/12/2008)

 

NB : Pour avoir plus d’informations sur Maurice Rollinat et l’Association des Amis de Maurice Rollinat, vous pouvez consulter le site Internet qui leur est consacré.