« MAURICE ROLLINAT, AU CŒUR DES ARTS »
(Conférence de Catherine Réault-Crosnier lue à plusieurs voix avec des poèmes mis en musique par Michel Caçao, à la médiathèque de Châteauroux le 8 mars 2014, dans le cadre du Printemps des Poètes.)
Le thème du Printemps des Poètes en 2014, « Au cœur des Arts », entre en correspondance avec le poète Maurice Rollinat qui nous transmet sa passion à ce sujet :
« Les Arts ont pour donnée ce qui existe : ce monde est le sujet qu’ils traitent. Ils reposent sur les apparences, les formes, les couleurs, sur les pensées, faits et gestes de l’homme, sur les fantaisies de son rêve, sitôt borné par la folie et qui ne sait guère que travestir ou déformer les âmes et les choses, restant, quoiqu’il fasse, le tributaire du réel auquel il emprunte les canevas de sa broderie. C’est pourquoi, tous les arts ne rendent que du connu, du pressenti, de l’attendu, en s’efforçant seulement d’attribuer à cet exprimé, toute la possible intensité de noblesse et toute la singularité de grandeur qui constituent leur magie. » (Maurice Rollinat, Ruminations, p. 6)
Maurice Rollinat définit étrangement l’artiste, tiraillé dans les douleurs de l’enfantement de la création, oscillant entre abattement et extase :
« Après ses longs et douloureux travaux qui sont des fièvres chaudes de sa volonté, l’artiste abattu, terrassé par sa conquête, berce en de lézardantes extases la bonne paresse de son cœur et la convalescence de son esprit. » (id., p. 34)
Il ressent la majesté des Arts, leur retentissement profond sur les personnes et sur les âmes. Nous traiterons de son art poétique, sans omettre la musique, le chant, le côté théâtral, l’art de la mise en scène, l’art déclamatoire, la peinture et même d’une certaine manière, la photographie puisque Rollinat sait comme sur une photo, fixer un moment pour mieux décrire les paysages et les gens.
Au cœur de la poésie :
Nous pouvons dire en jouant avec les mots, que la poésie le suit partout, dans sa jeunesse, à Paris, dans les cabarets et au Chat Noir puis dans sa vie isolée à Fresselines. Dans la campagne, au cours de ses longues promenades, il laisse courir son imagination et sa plume sur de petits carnets où il prend des notes, ébauche un poème. Sa poésie est à l’image de sa vie, vagabonde à mille facettes, vivante ou triste, endiablée ou fantastique, morbide ou paisible mais très souvent imprégnée de nature. Comme un prisme à mille recoins, elle se déploie et n’a jamais fini d’être découverte. Maurice Rollinat écrit dans son livre Ruminations :
« La Poésie berce et abreuve le songe ; en les exaltant, désigne et raconte les choses, devine la signification de leurs attitudes, de leur langage, de leur frisson, de leur vague et de leur essence qu’elle vous communique pénétreusement, en toute spiritualité d’expression, de cadence et d’harmonie prestigieuses. » (id., p. 240)
Maurice Rollinat associe la poésie à la douceur du miel, au travail des abeilles, en des métaphores surprenantes :
« Pour composer le miel de la poésie, il faut que l’âme, essaim d’abeilles du songe, pompe avidement les sucs des idées en fleurs dont les mots rigoureusement adaptés seront les parfaites alvéoles. » (id., p. 92 et 93)
Tout au long de cette conférence, la poésie de Maurice Rollinat sera à l’honneur sous de multiples aspects.
Au cœur de la Musique :
Maurice Rollinat a exprimé la force de la musique dans ses livres en prose, dans En errant paru en 1903 et Ruminations paru en 1904. Dans ce dernier, Maurice Rollinat est plus philosophique et a une force d’écriture étonnante.
« Il n’y a que la Musique qui puisse créer des impressions ignorées de l’homme, bien que provenant d’un esprit mortel, mais d’un esprit inspiré pour ainsi dire malgré lui de quelque Puissance d’un autre monde, son possédé privilégié, récompensé de ses efforts d’idéal, jusqu’à avoir été choisi par elle pour être son interprète de l’inimaginé, de l’inressenti, son porte-voix de l’inentendu dans l’universelle monotonie de cette terre. » (Ruminations, p. 7)
Nous comprenons combien la Musique en tant que grand art, captive Rollinat lorsqu’il s’exclame :
« Mais il n’y a que la Musique qui emporte l’âme dans l’outre-tombe, la repaisse d’indéfini, la fasse la souveraine de l’inconnu, la reine extasiée de l’invisible et de l’impalpable ! » (id., p. 240)
Dans En Errant, Maurice Rollinat est pessimiste mais il est envoûté par la musique à laquelle il consacre un chapitre de neuf pages (pp. 119 à 127). Nous allons lire un extrait du début, caractéristique de l’ensemble centré sur son enthousiasme passionné et la conviction de la force de la musique, cette magicienne qui envoûte au plus profond de l’être :
« Subjugué, possédé, ensorcelé par lui, dans tous ses replis de mes fibres et de mon esprit, dans toutes les sensibilités de mon être, je crie bien haut que le grand Wagner est encore plus que le magicien des sons, puisque, dans leurs tempêtes, leurs délires, leurs démences représentant la fougue brutale et la colère des éléments, il sait faire pleurer la mélancolie des choses, chanter, clamer, gémir les amours, les regrets et les pensées des êtres. » (En Errant, p. 119)
Maurice Rollinat est un vrai musicien, étrange certes ; ses mélodies sont surprenantes, difficiles à transcrire et sa voix est presque impossible à imiter. Il a composé des musiques pour ses poèmes durant toute sa vie d’adulte. Nous avons répertorié cent trente-cinq partitions. Tout d’abord, une partie a été publiée chez Hartman et Lemoine puis un ensemble plus complet chez Heugel : cent-douze partitions sur ses poèmes, dix-huit sur ceux de Baudelaire, une sur un poème de Pierre Dupont (poète secondaire), et trois valses pour piano. Seul « Psaume funèbre » n’a pas été repris par Heugel.
Voici deux poèmes qui expriment sa fougue devant la grandeur de la musique. Dans le deuxième, son admiration pour Chopin ressort ce qui était une prise de position courageuse car Wagner était glorifié à cette époque (Régis Miannay, Maurice Rollinat, Poète et Musicien du Fantastique, p. 151). Mais pour Rollinat, l’âme et la musique tourmentées de Chopin, sa passion, sa fougue, son romantisme mélodramatique lui correspondaient beaucoup plus.
LA MUSIQUE A Frédéric Lapuchin. A l’heure où l’ombre noire Brouille et confond La lumière et la gloire Du ciel profond, Sur le clavier d’ivoire Mes doigts s’en vont. Quand les regrets et les alarmes Elle me verse tous les baumes Elle m’apaise quand je souffre, Elle mouille comme la pluie, Dans ses fouillis d’accords étranges Les rythmes ont avec les gammes O Musique, torrent du rêve, A l’heure où l’ombre noire Brouille et confond La lumière et la gloire Du ciel profond. Sur le clavier d’ivoire Mes doigts s’en vont. (Les Névroses, pp. 49 et 50) |
CHOPIN A Paul Viardot. Chopin, frère du gouffre, amant des nuits tragiques, L’harmonie a perdu son Edgar Poe farouche Ta musique est toujours – douloureuse ou macabre – Les délires sans nom, les baisers frénétiques La morbide lourdeur des blancs soleils d’automne ; L’abominable toux du poitrinaire mince L’âcre senteur du sol quand tombent des averses ; Tout cela, torsions de l’esprit, mal physique, Vierges tristes malgré leurs lèvres incarnates, Au fond de tes Scherzos et de tes Polonaises, Sur la croupe onduleuse et rebelle des gammes Ta musique a rendu les souffles et les râles, Triste ou gai, calme ou plein d’une angoisse infinie, Hélas ! toi mort, qui donc peut jouer ta
musique ? (Les Névroses, pp. 53 à 55) |
Le poème « Le Piano » (Les Névroses, p. 51) est caractéristique de Rollinat qui, dès sa jeunesse, a joué de l’harmonium au lycée puis du piano. Ce thème revient dans « Marches funèbres » (id. p 52), où le poète allie la sensualité esquissée à travers la femme qui joue du piano et l’harmonie qui vibre au diapason des musiciens, Beethoven, Chopin, en symbiose avec les marches funèbres frôlant l’effroi de la mort unie à l’espoir de l’immortalité :
MARCHES FUNÈBRES Toi, dont les longs doigts blancs de statue amoureuse, Toi, le cœur inspiré qui veut que l’Harmonie Joue encore une fois ces deux marches funèbres Plaque nerveusement sur les touches d’ivoire Et tu seras bénie, et ce soir dans ta chambre (Les Névroses, p. 52) |
Maurice Rollinat était exigeant sur la qualité de ses interprètes et nous savons que seule la chanteuse Yvette Guilbert trouvait grâce à ses yeux pour la mise en valeur musicale de ses poèmes.
Le chant, le côté théâtral, l’art de la mise en scène :
La voix de Maurice Rollinat étonnait car il avait des intonations étranges, presque impossibles à reproduire. Le côté gestuel, l’attitude, le corps légèrement penché en arrière, les cheveux volumineux et ondulés en mèches parfois endiablées, contribuaient à créer une certaine atmosphère que nous retrouvons dans les tableaux de peintres de son époque comme dans celui de Tiret-Bognet représentant Rollinat chantant, probablement devant Manet, avec au piano Charles Cros (tableau du musée Bertrand à Châteauroux).
Sa manière de taper sur le piano, sa voix forte et vibrante lui étaient très personnelles. Il gardait aussi ce côté théâtral lorsqu’il récitait ses poèmes. Cette manière d’être, créait un envoûtement. Il captait et captivait son public qui oubliait tout.
Dans son poème « Langage du Rêve », il relie les mots, l’expression du langage et le rythme de la musique, empli de mélancolie. Proches de Baudelaire mais aussi typiquement rollinatiens, surgissent le « cri » et « la pensée obscure et folle », « grinçant comme un cauchemar » mais Rollinat ne quitte pas sa ligne directrice, celle de la beauté.
LANGAGE DU RÊVE Des sons devenant la parole Un langage extraordinaire Un bruit subtil, ensorcelant Assez mélancolique et beau (Fin d’Œuvre, pp. 75 et 76) |
L’art déclamatoire :
La chanteuse Yvette Guilbert qui a écouté Rollinat déclamer et chanter, a été subjuguée. Elle écrit : « Rollinat ! Poète et musicien ! Personnage des Contes d’Hoffmann, follement, macabrement, inoubliablement impressionnant quand, assis au piano, il vous chantait ses œuvres… Le Paganini des cordes vocales ! Tous les tonnerres et tous les zéphyrs dans la voix, l’âme d’un démon ou celle d’un séraphin dans les gammes expressives de sa déclamation, le visage torturé, l’œil rouge en feu, sous les flammes noires tordues de ses cheveux qui prenaient par moments des airs de serpent lui léchant le front. Une bouche formidable (…). » (cité par Émile Vinchon, La Musique de Maurice Rollinat, pp. 111 et 112)
Dans Ruminations, Maurice Rollinat nous transmet avec fougue, sa vision sentimentale et viscérale de cet art :
« L’Éloquence est une si torrentueuse et brûlante houle d’émotion pour l’esprit raisonneur comme pour le pur sentiment, qu’électrisant les nerfs, fouillant les moelles, elle fait, semble-t-il, battre et se dilater à l’unisson deux cœurs béants chez le même homme. » (Maurice Rollinat, Ruminations, p. 240)
L’art déclamatoire de ce poète est étonnant ainsi que son art de la mise en scène. En effet, Rollinat est très doué pour mettre en valeur ses poèmes ce qui a contribué aussi à son succès parisien, en particulier aux Hydropathes fondé par Émile Goudeau en 1878 et au cabaret du Chat Noir ouvert par Rodolphe Salis en 1881. Rollinat est tout de suite remarqué et retiendra longtemps l’attention de tous.
Nous ne pouvons oublier « L’amante macabre » qui crée peu à peu, un envoûtement envahissant la pensée : magie, horreur, frisson de l’épouvante dominent le spectateur. Voici le début de ce poème si connu :
L’AMANTE MACABRE A Charles Buet. Elle était toute nue assise au clavecin ; Une pâle veilleuse éclairait tristement (…) (Les Névroses, p. 255) |
La danse
D’une certaine manière, avec Rollinat, les poèmes dansent car à travers les mots que le poète utilise, les sons qui reviennent, les vers lus semblent animés de frénésie ; ils valsent comme dans le ciron, cet acarien presque microscopique, qui avec le poète, entre dans une sarabande tourbillonnante et magique :
LE CIRON Corps sensible, Pur fantôme Le ciron Miniature D’abondance, Il pâture Être, objet, Il a tout : Genre, usage… Il se livre Solitaire, Il vit là, Sans témoin, Tout poudreux Tel il est, Tel il erre, Joli rien, Ton manège, Mais, pressens Garde un doute, Que sur toi, (Les Bêtes, pp. 33 à 38) |
La peinture :
Elle fait partie intégrante de l’œuvre poétique de Rollinat au vu du nombre de couleurs utilisées par le poète, par petites touches comme celles d’une palette de peintre, et au vu de l’intérêt et même de l’amitié des peintres pour lui. De très nombreux l’ont immortalisé ou lui ont rendu hommage : Fernand Maillaud, Eugène Alluaud, Allan Osterlind, Claude Monet, et tant d’autres.
Maurice Rollinat déploie sa palette des couleurs en poésie, en demi-teintes et nuances grises avec beaucoup d’art dans :
BALLADE DE L’ARC-EN-CIEL A François Captier La végétation, les marais et le sol Les champignons pointus gonflent leur parasol Tandis que dans l’air pur grisant comme l’alcool ENVOI. O toi, le cœur sur qui mon cœur s’est appuyé (Les Névroses, pp. 128 et 129) |
Rollinat utilise très souvent certaines couleurs, le bleu violet dans le poème « Les Prunelles » (Les Névroses, p. 180), le vert dans « Ballade des Lézards verts » (id., p. 198), le bleu dans « Les yeux bleus » (id., p. 33), le brun dans « La Ruine » (id., p. 355), le topaze dans « Le Boudoir » (id., p. 332), le noir dans « Les Rocs » (id., p. 204).
Parfois il emploie des couleurs gaies comme dans « Le Champ de Blé » tel un tableau à la Monet. Mais à côté de l’or des blés, reviennent des notes sombres, des tons « cuivreux » et « violet » qui reflètent sa tendance au spleen.
(…) Et muet et léger comme un zéphir d’été (La Nature, p. 16) |
Citons deux passages de « Prairies enchantées », titre d’un chapitre de En Errant : Proses d’un solitaire dans lesquels la description très fine et précise est comme une poésie en prose. Un peintre pourrait sans problème, reproduire les teintes exprimées ici avec des mots :
« Le ciel avait une couverture uniforme de nuage blanc-bleuâtres et couleur cendre et fumée dont, çà et là, les déchirures et accrocs formaient de minuscules îlots d’azur et de lumière, ce qui adoucissait la gravité des feuillages, déchagrinait un peu la mélancolie de l’espace. » (En Errant, p. 169)
Plus loin, il mêle avec beaucoup d’originalité, la vie et la mort en couleurs, dans la nature : « les plus riches teintes des chromes et des chlores, des safrans et des ocres, des ors et des topazes. » (id., p. 176)
La photographie :
Nous pouvons considérer Maurice Rollinat comme un photographe en poésie car il sait cadrer son sujet, avoir le déclic d’un instant à conserver et le décrire, figer un moment en pose, mettre des notes de couleur. Il a l’art de la minutie, de l’observation indispensable à tout artiste comme dans ses descriptions de paysage ou des gens de la campagne pris sur le vif.
N’oublions pas qu’il a aussi été un poète photographié. Durant l’été 2013, une exposition à Éguzon (Indre) a été consacrée à l’art photographique du temps de ce poète et des photos de Rollinat ont été exposées : Rollinat pêcheur à la ligne, avec sa compagne Cécile Pouettre, avec son chien, ses amis, l’abbé Daure, Rollinat au piano, Rollinat vieillissant…
Rollinat sait créer une atmosphère avec des demi-teintes, des plans nets et d’autres flous comme dans « Ballade de l’Arc-en-ciel » (Les Névroses, p. 128) à travers des expressions très suggestives, proches de termes employés en photographie, « clair-obscur », « firmament mouillé », « troupeau de brouillards », « soleil noyé ».
Dans « Le Mirage », Maurice Rollinat décrit très bien, à la manière d’un photographe, les teintes des nuages aux nuances variées et leurs reflets dans l’étang, la fusion du ciel et de l’eau :
LE MIRAGE Le ciel ayant figé ses grands nuages roses, Dans l’onde, sous le souffle errant des vents follets, La voûte et lui fondus, ne faisant qu’un ensemble, Tel était le pouvoir du plus beau des mirages (Paysages et Paysans, p. 21) |
Maurice Rollinat prend avec talent, une photo en poésie, en décrivant un paysage, un ciel et aussi avec délicatesse, des papillons près des fleurs :
FLEURS-PAPILLONS Papillons blancs, papillons roses, Oscillant, les papillons rouges Ayant des tons fanés et vieux, (Les Bêtes, pp. 13 à 16) |
Maurice Rollinat a aussi l’art du portrait comme en témoignent ces descriptions imagées et savoureuses de gens de la campagne :
LE FORGERON
Dans sa forge aux murs bas d’où le jour va s’enfuir,
Haut, roide, et sec du cou, des jambes et du buste,
Il tire, mécanique, en tablier de cuir,
La chaîne d’acier clair du grand soufflet robuste.
(…)
(Paysages et Paysans, p. 224)
Nez plat, grosse bouche en fer d’âne,
Et, sous les pommettes deux creux
Dans un long visage cireux,
Tout en menton et tout en crâne ;
Glabre, sec et la peau ridée ;
Un petit œil vif et louchon ;
Une jambe en tire-bouchon,
L’autre racornie et coudée ;
(…)
(Paysages et paysans, p. 233)
LE SCIEUR DE LONG
Voûté haut sur la grande chèvre
Enchaînant un frêne équarri,
Le vieux parle, et son gars contrit
L’écoute, en se mordant la lèvre.
(…)
(Paysages et Paysans, pp. 243 à 245)
LE BRACONNIER
Contre sa jambe, à plat, collant sa canardière,
Voûtant son maigre buste au veston de droguet,
Silencieux glisseur, l’œil et l’oreille au guet,
Il longe un des plus creux dormants de la rivière,
(…)
(Paysages et Paysans, p. 279)
LA MENDIANTE
Bissac vide, et pas un petit sou dans les poches,
La mendiante, au soir, traîne un pas de crapaud,
Comme un fantôme lent sous son mauvais capot
Que, de chaque côté, vont tirochant ses mioches.
(…)
(Paysages et Paysans, p. 280)
En union avec tous les artistes :
Rollinat est bien au cœur des arts puisqu’il clame l’emprise que les grands artistes ont sur lui, tel Edgar Poe dont il a traduit un certain nombre de poèmes (publiés dans Fin d’Œuvre) car il était fasciné par cet écrivain qui a laissé une empreinte fantastique dans sa poésie. Il lui a d'ailleurs consacré un poème :
EDGAR POE Edgar Poe fut démon, ne voulant pas être Ange. Il cherchait dans le gouffre où la raison s’abîme Chaste, mystérieux, sardonique et féroce, Devant son œil de lynx le problème s’éclaire : (Les Névroses, p. 56) |
Ne soyons pas étonnés que Balzac ait captivé Rollinat. Ce chercheur de l’analyse des caractères et des âmes, de la description des gouffres, du mal, ne pouvait laisser indifférent Rollinat.
BALZAC A Julien Penel. Balzac est parmi nous le grand poète en prose, D’un siècle froid, chercheur, hystérique et morose Mineur amer, piochant la houille des idées, Et la société, ridicule et tragique, (Les Névroses, p. 57) |
Dans le poème « L’introuvable », Rollinat consacre une strophe aux artistes qu’il aime qu’ils soient peintres, écrivains, musiciens, prouvant encore son intérêt pour la multiplicité des arts :
(…)
As-tu peur du remords plus que du mal physique,
Et vas-tu dans Pascal abreuver ta douleur ?
Chopin est-il pour toi l’Ange de la musique,
Et Delacroix le grand sorcier de la couleur ?
(…)
(Les Névroses, p. 39)
Dans Ruminations, en union avec toutes les formes d’art, Maurice Rollinat clame :
« L’Art plastique idéalise la contemplation avec ses œuvres, parfois si surhumaines, qu’elles arrivent à fixer de la vie, à être le surgissement d’un fantôme, la figure d’une pensée, le rêve devenu visible, la nature même qui se remontre. » (Ruminations, p. 240)
Conclusion
Créateur au cœur des arts, Maurice Rollinat n’a jamais fini de nous surprendre. Même isolé dans la campagne profonde, pendant les vingt dernières années de sa vie passée à Fresselines, il continue son chemin artistique. Il a toujours créé ses œuvres avec passion, même après les rancœurs et les déceptions. Il ne s’est jamais posé la question d’arrêter.
Nous terminerons avec un poème peu connu, « Les Météores », inclus dans son livre Fin d’œuvre. Maurice Rollinat rend hommage à de nombreux écrivains : Baudelaire, Victor Hugo, Lamartine, Alexandre Dumas, Balzac, George Sand, Musset, Alfred de Vigny, Gauthier, Louis Hyacinthe Bouilhet (disciple de Flaubert), Flaubert, Baudelaire, Pierre Dupont (chansonnier et poète français, 1821 – 1870), Barbey d’Aurevilly, Théodore de Banville, Leconte de Lisle.
LES MÉTÉORES (Imité des Phares de Baudelaire) Hugo ! monde farouche ! Etna de poésie ! Hugo ! c’est le clairon gigantesque qui sonne Barbier ! brasier lyrique où l’ïambe s’allume ! Lamartine ! Eden pur où des harpes étranges Alexandre Dumas ! où les drames bouillonnent, Balzac ! burin du siècle imprégné de névrose Balzac ! sombre théâtre où l’humanité joue, George Sand ! à jamais reine des bucoliques ! Musset ! île de foi dans l’océan du doute, De Vigny ! crépuscule automnal où l’on hume Gautier ! ciseau païen sculptant dans la matière Bouilhet ! ravin boisé dont les bruits vous
enchantent, Flaubert ! scalpel des sens et bistouri de l’âme Baudelaire ! Élixir de spleen et d’ironie, Pierre Dupont ! senteur, âme des sapinières, Barbey d’Aurevilly ! c’est la plume effroyable, Banville ! buisson vert où fauvettes et merles Et Leconte de Lisle ! âme des pics farouches Poètes ! vin du cœur ! suprême
friandise ! (Fin d’Œuvre, pp. 147 à 152) |
Décembre 2013 / mars2014
Catherine RÉAULT-CROSNIER
Bibliographie
Livres de Maurice Rollinat utilisés :
- Rollinat Maurice, Les Névroses, G. Charpentier,
Paris, 1883, 399 pages
- Rollinat Maurice, La Nature, poésies, G. Charpentier
et E. Fasquelle, Paris, 1892, 350 pages
- Rollinat Maurice, Les Bêtes, Bibliothèque
Charpentier, E. Fasquelle, Paris, 1911, 222 pages
- Rollinat Maurice, En errant, proses d’un solitaire,
Bibliothèque Charpentier, E. Fasquelle, Paris, 1903, 325 pages
- Rollinat Maurice, Ruminations, Bibliothèque
Charpentier, E. Fasquelle, Paris, 1904, 296 pages
- Rollinat Maurice, Fin d’Œuvre, Bibliothèque
Charpentier, E. Fasquelle, Paris, 1919, 341 pages
Autres livres :
- Miannay Régis, Maurice Rollinat, Poète et Musicien du
Fantastique, imprimerie Badel, Châteauroux, 1981, 596 pages
- Vinchon Émile, La musique de Maurice Rollinat,
imprimerie D. Masset, Le Blanc, 1934, 157 pages
NB : Pour avoir plus d’informations sur Maurice Rollinat et l’Association des Amis de Maurice Rollinat, vous pouvez consulter le site Internet qui leur est consacré.
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