DES LIVRES QUE J’AI AIMÉS

 

C’ÉTAIT BIEN

 

de Jean D’ORMESSON

de l’Académie française

 

Éditions Gallimard, 257 pages, 2002

 

Encre de chine de Catherine RÉAULT-CROSNIER, inspirée par le livre "C'était bien" de Jean d'Ormesson.

Encre de chine de Catherine RÉAULT-CROSNIER, inspirée par le livre
"C'était bien" de Jean D'ORMESSON (taille réelle : 80x120 cm).

 

Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, Jean D’ORMESSON est membre de l’Académie française. S’il est aussi bien apprécié des érudits que de la population générale, c’est parce que son style est limpide, moderne et profond.

Il en est ainsi de son dernier livre « C’était bien » paru en décembre 2002. Celui-ci est une sorte de biographie qui récapitule les évènements qu’il a vécus mais les faits ne sont là que pour être des témoins d’une force de vie non pas irréaliste, idéaliste mais qui ne concède rien et reconnaît ses limites sans jamais se laisser vaincre par un pessimisme ou un défaitisme si fréquents à notre époque.

« une fête en larmes » (page 128) est le titre d’un chapitre ; ce pourrait être le titre de ce livre car tout au long de ce roman, Jean d’Ormesson chante la vie et pleure en même temps. La vie est ainsi faite de souffrances, de regrets et d’espérance :

« La vie m’a toujours paru délicieuse – et le monde, plein de larmes ». (page 128)

Ce livre se lit facilement comme un souffle imprégné d’idées profondes, exprimées en douceur, sans brutalité, mais avec une force intérieure indéniable :

« Et merci à Dieu, qui m’est tout de même plus proche, au moins en espérance et sous forme d’un rêve dans le rêve de ce monde passager et prétendu réel, que les pierres du chemin et les étoiles si lointaines des lointaines galaxies. » (page 240)

Cette quête spirituelle se retrouve dans d’autres de ses livres en particulier dans « Le rapport Gabriel » qui nous narre avec beaucoup d’humour la descente de l’ange Gabriel sur terre pour faire un rapport à Dieu sur la manière dont vivent les terriens, pour mieux les comprendre :

« Il y avait une vie de l’esprit qui s’était développée au-delà de toute attente. » (Le rapport Gabriel, page 376)

« L’éternité est longue : les choses y durent à jamais. Elles vont aussi très vite : le début est déjà la fin. » (Le rapport Gabriel, page 414)

« La vie est belle. J’attends la mort. Et jeté, Dieu sait pourquoi, dans les tempêtes du temps, je bénis l’Éternel. » (Le rapport Gabriel, page 426)

Ce thème a la force de l’intensité et a été repris par d’autres écrivains contemporains comme Paul COELHO dans « L’alchimiste » ou Marc LÉVY dans « Et si c’était vrai ? » et dans « Sept jours pour une éternité » dont le titre à lui seul est déjà tout un programme.

Rire de soi, ne pas se prendre au sérieux, comprendre notre fragilité devant le temps qui passe et la brièveté de notre vie, Jean d’ORMESSON sait le faire comme dans ces deux citations :

« Il y a toujours avantage à être un peu invraisemblable. » (page 13)

« (…) j’ai éternué mon enfance, j’ai pleuré mes printemps. » (page 17)

Ne pas se prendre trop au sérieux car « Il y a de brillants imbéciles. » (page 43). Seul l’avenir saura trancher au vu des réussites de chacun et encore… celui qui semble avoir raté sa vie, peut l’avoir réussie sous un autre angle et inversement. Regardez Camille CLAUDEL devenue folle par amour et par un débordement de création incompris. Il est difficile de savoir si elle a ou non réussi sa vie. Jean d’ORMESSON lui, en conclut qu’il est un « Nageur entre les deux rives du passé et de l’avenir » (page 48) et il nous propose de profiter de la vie :

« Aime et fais ce que tu veux. » (page 61)

Lui qui aime tant écrire, en profite pour faire ici une profession de foi en littérature :

« Écris des mots :c’est tout. » (page 61)

ou encore :

« beaucoup de mes livres sont nés de la séparation des songes. » (page 69)

Mais Jean d’Ormesson ne veut pas bluffer avec la vie. Il veut aller à l’essentiel comme le petit Prince de Saint-Exupéry alors il nous confie :

« il faut aller à la vérité de toute son âme. » (page 77)

La vie n’est pas toujours facile. Il ne faut pas l’idéaliser ni la dramatiser. Il faut l’accepter car « Il est permis de se demander s’il n’y a pas un chagrin propre aux gens heureux et une grâce du malheur. » (page 89)

Oui, le monde est bien comme Jean d’ORMESSON nous l’a dit « une fête en larmes » qu’il ne faut pas prendre trop au sérieux :

« Il n’est pas tout à fait exclu que l’inutile soit plus nécessaire que l’utile. Au bonheur, en tout cas. » (page 92)

de même que :

« … la vie a toujours été et sera toujours une souffrance – et elle est un miracle : elle est une fête en larmes. » (page 129)

Oui, ce livre est bien un hymne à la vie et une passion même si sous la plume de l’écrivain, « Le temps est insaisissable jusqu’à l’inexistence. » (page 143)

Le temps, angoisse du passage, pont entre le passé et l’avenir, sujet éternel, le temps capte nos vies et « règne sur les atomes, il règne sur les étoiles et il règne sur la pensée. » (page 146)

Oui, Jean d’ORMESSON nous le dit bien en philosophe, le temps est tout puissant, plus fort que nous mais qu’importe la fragilité de l’homme qui n’est qu’un souffle, qu’importe si la mort finira toujours par arriver, Jean d’ORMESSON en est bien conscient, lui qui écrit :

« Et mon corps retournera à la cendre où retourne toute matière. » (page 237)

Qu’importe ?

Oui, l’important n’est pas là. Jean d’ORMESSON nous le fait pressentir dans tout son livre. De cette fête en larmes, que restera-t-il ? Voici sa conclusion :

« Ce qui éclaire l’existence, c’est l’espérance. » (page 244)

Que cette espérance soit aussi la nôtre et nous pourrons tous dire de notre vie : « C’était bien ! »

 

5 juin 2003

Catherine RÉAULT-CROSNIER

 

Mis en ligne avec l'aimable autorisation téléphonique de Monsieur Jean d'ORMESSON, en date du 27 juin 2003.