DES LIVRES QUE J’AI AIMÉS

 

JE REVIENS TE CHERCHER

 

de Guillaume Musso

 

chez XO Éditions, 2008, 332 pages

 

 

Guillaume Musso a la jeunesse (il a trente-quatre ans) et la fougue de l’écriture ; il mêle l’action au suspense mais sans oublier le monde des sentiments qui transforment le monde :

« Sans doute ne pouvait-on pas vivre indéfiniment dans la maîtrise et le refus de toute sensibilité. » (p. 55)

Ainsi rien n’est impossible et la mort n’est plus une frontière qui sépare les uns des autres. Ce qui sépare, c’est le manque d’amour. Il n’est donc pas étonnant que ses romans alliant science-fiction et modernité du présent soient traduits dans le monde entier et que ses livres soient lus à des millions d’exemplaires, de quoi faire frémir ceux qui disent que le temps de la lecture est dépassée !

Si son livre « Je reviens te chercher », plait tant, ce n’est pas simplement parce qu’il est bien écrit (ce qui est vrai) mais aussi parce que chacun s’y retrouve et veut comprendre ce qui se passe et l’envoûte tant. Ici l’impossible n’existe pas mais dans l’infini des possibles, que va-t-il se passer ? Puisque le personnage principal meurt à un tiers du roman, le lecteur est déphasé et quand l’histoire recommence à zéro, que le meurtre est reprogrammé une deuxième puis une troisième fois, le lecteur ne sait plus où il va, où est la vérité, où est l’espoir, où est la vie ? Il finira par comprendre que la mort est dépassée même lorsqu’elle se réalise et qu’elle peut rester beauté pour ceux qui restent avec le souvenir de l’être aimé. Le mystère est omniprésent et nous nous rendons compte que nous avons soif de ce mystère qui fait nos vies. L’amour est fragile et peut-être encore plus intense dans ce risque de déchirure. La fin n’est pas une fin en soi car le monde continue toujours ; l’important n’est pas la vie ou la mort d’un être mais ce que nous avons vécu avec lui :

Guillaume Musso arrive à faire passer des messages forts sans tomber dans la mièvrerie, sans nous lasser et nous allons avec lui, à la rencontre des autres, à la recherche de la vérité ou plutôt de notre vérité qui n’est pas la même pour tous, de même que nous n’avons pas tous le même chemin à suivre :

« Apprendre à vivre, c’est apprendre à être libre. Et être libre, c’est accepter que les choses arrivent telles qu’elles arrivent. » (p. 188)

Guillaume Musso sait nous faire prendre conscience de notre petitesse :

« Vous êtes l’un des grains de sable de cette foule » (p. 9)

« Nul n’est irremplaçable, (…) ». (p. 171)

Mais chaque grain de sable peut être un diamant s’il est éclairé de soleil. Nous devons changer nos vies, ne pas avoir peur de l’inconnu et « prendre le risque de partir à la découverte de nous-mêmes » (p. 37) :

« Dépêchez-vous de vivre, dépêchez-vous d’aimer, car vous ne savez jamais combien de temps il vous reste au compteur. » (p. 38)

Que la vie est banale même lorsque l’argent coule s’il lui manque l’essentiel !

« (…) il savait motiver les gens. (…) l’argent coulait à flots et elle en profitait largement, mais ici tout était trop grand, trop propre, trop zen, trop lisse. » (p. 43)

Pourquoi se sentir coupable du passé. Ce qui est arrivé, ne changera pas, emparons-nous du présent à construire :

« Prétendre lutter contre le destin est une illusion, » (p. 66) « Personne n’était coupable » (p. 69)

Mais la vie est dure :

« Toute notre vie est souffrance. Naître, c’est souffrir. Vieillir, c’est souffrir. Perdre l’amour, c’est souffrir. Mourir, c’est souffrir… » (p. 101)

Et pourtant l’homme veut s’en sortir. L’homme pense mais comme s’il n’était jamais né un jour et comme s’il ne mourrait jamais un autre jour. Il vit d’espoir et d’amour même en dehors du temps et au-delà de la mort car l’invisible reste présence :

« Le plus beau reste à venir, » (p. 105)

« Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants. » TACITE (cité page 221)

« (…) rien n’est définitivement joué. » (p. 290)

Un homme, une femme, une fille sont les personnages-clés de ce roman. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Comment vivent-ils ? Comment répondre quand ils ne le savent pas eux-mêmes ? Oui, nous agissons tellement par réflexes ; l’engrenage de la vie nous capte, nous entraîne, nous broie, nous achève et nous fait vivre tellement différemment de l’absolu fantasmé ! Où est la vraie vie ? Guillaume Musso nous emporte avec les personnages-clés à la recherche de notre bonheur. Et quand tout s’écroule, où est le vrai ?

« (…) il ne me reste que mes rêves. » (p. 161)

Mais attention le rêve peut détruire de même que la solitude et le repli sur soi :

« (…) tu te réfugies de plus en plus souvent dans ton imaginaire. Mais ton imaginaire est en train de te détruire. » (p. 175)

« Forteresse de solitude. / Capitale de la douleur. » (p. 167)

Alors il faut se battre contre l’adversité :

« (…) c’est en résistant au malheur qu’on a une chance de gagner le bonheur. » (p. 177)

Le conflit des générations est décrit avec lucidité et Guillaume Musso essaie de nous faire décharger de notre hargne vis-à-vis de ceux qui ont partagé un peu de notre vie mais soyons honnêtes, ils n’ont pas tous les torts :

« Lorsqu’on est petit, on croit que ses parents n’ont que des qualités, (…) Plus tard on pense les détester parce qu’ils en sont pas aussi parfaits qu’on se l’imaginait (…) encore plus tard, on apprend à accepter leurs défauts parce que nous aussi, nous en avons. Et c’est peut-être ça, devenir adulte. » (p. 180)

L’important, c’est de se retrouver et Guillaume Musso nous sème des pistes tout au long de son roman, en mettant une citation philosophique d’écrivains en tête de chapitre, un peu comme des points de repère, un chemin vers la sagesse :

« L’avenir n’est jamais que du présent à mettre en ordre. Tu n’as pas à le prévoir, mais à le permettre. » Antoine de SAINT-EXUPÉRY (cité page 277)

« Le verbe aimer est difficile à conjuguer : son passé n’est pas simple, son présent n’est qu’indicatif, et son futur est toujours conditionnel. » Jean COCTEAU (cité page 285)

Soudain la fille paumée devient quelqu’un car sa vie prend du sens :

« son père la connaissait, son père la cherchait, son père l’avait sauvée.
Comme s’il lui avait donné la vie une seconde fois. »
(p. 286)

Il est toujours temps pour les retrouvailles. Il est toujours temps d’aimer.

« Deux mains qui se joignent. (…)
C’est comme le baiser d’un ange. (…)
Comme le vertige du funambule en équilibre sur un fil. »
(p. 301)

Si la mort vient frapper à notre porte, ce n’est pas la fin de tout, c’est l’histoire de chacun d’entre nous :

« L’histoire de l’amour et de la mort.
L’histoire des ténèbres et de la lumière.
L’histoire des femmes et des hommes.

En un mot la vie continuait. » (p. 327)

 

Avec Guillaume Musso, la mort n’a pas le dernier mot car l’espoir est de toute éternité.

 

18 mai 2009

Catherine RÉAULT-CROSNIER