DES LIVRES QUE J’AI AIMÉS

 

LA MORT EST UN NOUVEAU SOLEIL

 

d’Elisabeth KÜBLER-ROSS

 

aux Éditions du Rocher, 1988, 139 pages

 

Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre américaine très connue, a aidé de nombreux malades en fin de vie. Les titres de ses nombreux livres témoignent de son désir de nous transmettre son témoignage et son message comme dans La Mort dernière étape de la croissance, La Mort et l’enfant, La Mort et les mourants, Vivre avec la mort et les mourants, La mort, porte de la vie. Celui qui côtoie les morts avec respect et attention, découvre tout un univers inimaginable pour le commun des mortels qui courent après le temps, sans penser à s’arrêter un instant et qui passe à côté de l’essentiel sans s’en apercevoir car : « L’intégration de la mort dans sa pensée permet à l’homme de vivre de façon plus consciente et plus concentrée et le préserve de gaspiller « trop de temps pour des choses sans importance ». » (pp. 12 et 13)

Au contraire, à l’écoute des mourants, le temps n’est plus le même et gagne en intensité même si le malade semble inconscient ou ne peut s’exprimer corporellement parlant. Elisabeth Kübler-Ross nous explique que naissance et mort ont des points communs : « L’expérience de la mort est presque identique à celle de la naissance. C’est une naissance dans une autre existence (…). » (p. 21)

Elle nous fait part d’expériences extracorporelles d’aveugles qui revenus à la vie, ont exprimé en détail, des faits qu’ils n’auraient jamais dû pouvoir concevoir comme par exemple pour l’un, la couleur d’un pull over alors qu’il ne voit pas les couleurs, ou pour l’autre le fait qu’un frère soit venu à sa rencontre alors qu’il ne pensait pas en avoir car on lui avait caché la mort de celui-ci antérieure à sa naissance. « Vous comprendrez qu’il ne saurait s’agir de visions. Vous pouvez très bien interpréter ces faits si la réponse ne vous fait pas peur. Mais si elle vous fait peur, vous serez comme ces sceptiques qui m’ont dit que ces expériences extra-corporelles étaient à considérer comme le résultat d’un manque d’oxygène. » (pp. 28 et 29)

Elisabeth Kübler-Ross fait preuve de sagesse quand elle nous dit de ne pas s’obstiner à vouloir convaincre à tout prix celui qui refuse cette possibilité d’une autre existence après la mort car l’acharnement ne sert à rien sinon à entretenir l’obstination de l’autre. Et qui ne s’est jamais trompé un jour ? Nous n’avons qu’à donner notre témoignage en respectant la pensée de chacun : « (…) N’essayez pas de convertir les autres. Lorsqu’ils mourront, ils le sauront de toute manière. (…) la force de sa pensée franchit ces milliers de kilomètres » (p. 29). Après la mort, les distances sont abolies de même que le temps. Ceux qui « reviennent de la mort », s’expriment avec bonheur et paix ; ils sont tous prêts à retourner là où ils étaient : « Lorsqu’on quitte le corps on se trouve dans une existence dans laquelle il n’y a plus de temps, où le temps n’existe tout simplement plus, de même qu’on ne saurait parler ici d’espace et de distance dans le sens où nous l’entendons, puisqu’il s’agit là de notions terrestres. » (p. 29)

La mort nous fait parvenir dans un autre monde qui n’a rien à voir avec celui où nous vivons. C’est le monde de la plénitude de l’amour et de la paix. Parfois les mourants s’enferment dans le sommeil ou dans le mutisme car ils pressentent que leurs paroles terrestres n’auraient plus de sens et qu’ils ont déjà commencé à quitter ceux qui vivent sur terre. Ils s’en détachent souvent inconsciemment. Il ne faut pas leur reprocher cette réaction ; ils ont besoin de s’éloigner de nous pour mourir. Mais ils peuvent aussi échanger avec celui qui est discrètement à leur simple écoute, celle du cœur.

Revenons à la vie de tous les jours. L’homme agit dans le concret, ne voulant pas perdre une minute. Cette frénésie d’actions s’oppose à l’éternité qui enlève la notion de temps. Parfois un évènement grave nous aide à réaliser que nous passons beaucoup de temps en choses futiles au lieu d’aller à l’essentiel à moins que nous fuyions devant une réalité qui nous met mal à l’aise : « Vous réaliserez que vous étiez vous-même votre pire ennemi, puisque vous devez maintenant vous reprocher d’avoir laissé passer tant d’occasions pour grandir. » (p. 36)

Ainsi un fait douloureux physique ou psychique comme une simple fracture, perte d’un être cher, celle du travail, la séparation d’avec son meilleur ami, la cruauté de quelqu’un envers nous, ce fait peut être constructif s’il est bien compris : « Toute souffrance est génératrice de croissance. » (p. 51) D’autre préfèreront se sentir les plus malheureux de la terre, s’enfermeront dans leur mal d’être. Mais il suffit de regarder autour de nous pour comprendre que chaque personne a son lot de douleurs.

Elisabeth Kübler-Ross ose alors affirmer : « Ma vraie tâche – et là j’ai besoin de votre aide – consiste à dire aux hommes que la mort n’existe pas. » (p. 73) Cette sentence peut paraître étonnante, irréelle mais Elisabeth Kübler-Ross a le courage de dépasser les idées reçues pour nous montrer que son affirmation n’a rien d’insensé bien au contraire. Elle développe alors sa thèse avec de nombreux exemples, non pas comme des preuves – car s’il y avait des preuves, le problème serait réglé – mais comme des chemins de réflexion. Elisabeth Kübler-Ross nous dit alors de ne pas massacrer les dons qui nous sont donnés, dons de pressentiment, dons d’attention, dons d’intuition, dons d’amour spontané, dons de recherche du sens de la vie : « Nous sommes coupables d’avoir détruit tant de dons de la nature, nous sommes coupables d’avoir perdu toute spiritualité. » (p. 74)

Elisabeth Kübler-Ross nous engage à ne pas voir seulement le concret matériel mais à vivre d’espérance, hors du temps vers l’éternité : « (…) notre corps physique n’est qu’une enveloppe passagère qui entoure notre moi immortel. » (p. 117)

Nous oublions d’être à l’écoute de ce que nous vivons hélas. Nous détruisons notre potentiel d’amour et de don sans nous en rendre compte. Nous favorisons trop souvent le matériel, le superficiel, le plaisir de consommation qui nous prend tout notre temps et nous empêche de nous réaliser dans la plénitude de notre être. Est-ce parce que cela nous fait peur inconsciemment ? « Et si les gens écoutaient d’avantage leur cadran intuitif-spirituel, au lieu d’empoisonner les messages de cette merveilleuse source de communication avec leur propre négativité, leurs peurs, leurs sentiments de culpabilité, leur envie de punir les autres ou eux-mêmes, ils commenceraient également à comprendre le merveilleux langage symbolique des mourants lorsque ceux-ci cherchent à nous confier leurs soucis, leur savoir et leurs perceptions. » (p. 120)

Aurions-nous crainte de vivre d’amour, de nous laisser guider par notre intuition, notre besoin d’aider, de donner sans chercher à savoir si cela va nous rapporter en retour ? Si nous passons le cap de la société de consommation vers celle de l’essentiel, alors nos yeux s’ouvriront et nous verrons que « (…) nous sommes enveloppés d’un amour total et inconditionnel de compréhension et de compassion. Cette lumière prend son origine dans la source de l’énergie spirituelle pure et n’a rien à voir avec l’énergie physique ou psychique. » (pp. 121 et 122)

Vivre au battement de l’énergie vitale, signifie laisser toute la place à l’indicible, accepter de vivre pleinement chaque instant à l’écoute du battement de l’amour qui lui seul peut apporter le vrai bonheur. La mort ne sera plus la fin de tout mais l’union à tous les morts dans la lumière de l’amour. La mort ne sera qu’une étape à franchir vers laquelle nous nous dirigerons le plus sereinement possible, prêt à aider le mourant qui sera sur notre route pour un départ dans la paix, prêt à vivre en attendant, de l’essentiel. Seule la mort nous donnera totalement connaissance de cet immense Amour de toute éternité même si les saints en extase peuvent l’approcher. Cette énergie spirituelle n’a rien à voir avec le concevable concret. Elle irradie une lumière qu’on ne peut pas abîmer. C’est l’ « Amour absolu et inconditionnel ». (p. 122)

 

14 juin 2011

Catherine RÉAULT-CROSNIER