DES LIVRES QUE J’AI AIMÉS
VIVRE DEBOUT
Comment faire face à un monde en crise
de Martin Gray
aux Éditions Robert Laffont, 1993, 231 pages.
Martin Gray est un écrivain connu dans le monde entier. La force de ses écrits et son témoignage sur les camps de la mort d’où il est revenu, son courage devant l’adversité, étonnent. Ils peuvent paraître presque incroyables et pourtant… Tout est vrai. Son destin est hors du commun, sa volonté exemplaire.
Il nous transmet sa philosophie : ne jamais baisser les bras même quand tout semble perdu. Pour lui, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
Dans l’avant-propos, « Une arche d’espérance », Martin Gray, d’origine juive, pense qu’il doit toujours y avoir de la lumière dans nos vies comme au temps du déluge de l’arche de Noé, quand Noé a su garder la vie des espèces animales, attendre et continuer de prier et d’espérer.
Il nous fait aussi prendre conscience que le monde bascule très vite dans le meurtre (p. 10), dans un déferlement d’images malsaines de tuerie car la destruction de l’autre est le début d’un cercle vicieux pervers vers la glorification du mal. Ne nous leurrons pas, il y a toujours la lutte du bien et du mal (p. 11) mais nous avons un rôle à jouer pour rompre cet engrenage qui peut nous conduire tous à notre perte. Martin Gray a gardé toujours espoir même au cœur de l’horreur du ghetto de Varsovie. Alors ne restons pas indifférents. Martin Gray nous donne une leçon de courage : « il faut penser, parler, agir, si nous ne voulons voir notre grande aventure de civilisation s’enfoncer encore une fois dans un océan de douleurs et de crimes. » (p. 13)
Il considère chaque lecteur comme un membre de sa famille ou de ses amis. (p. 17) Il est prêt à l’aider sur son chemin pour qu’il devienne « homme ou femme de l’Espérance. » (p. 18)
Pour lui, chacun d’entre nous, est un « être unique » avec « une âme – une origine, une histoire – singulière. » (p. 28) Il écrit en majuscules : « ACCEPTE-TOI. » (p. 29) Il nous montre l’importance des liens familiaux, « cette pelote de liens, noués dès la naissance, dans ce labyrinthe des sentiments » qui nous construit, lieu de « notre force et notre faiblesse. » (p. 35)
Martin Gray met de nombreuses sentences importantes en majuscules, telle : « TU DOIS ACCEPTER LES TIENS TELS QU’ILS SONT » (p. 36). Il nous donne aussi des conseils de sagesse, sachant qu’aucune famille n’est parfaite : « ce sont les tiens, et tu leur dois la COMPASSION et, s’il le faut, le pardon. » (p. 37)
Il nous conseille de ne jamais cacher nos origines mais de les accepter pour rester nous-mêmes. (p. 39)
Avec lui, nous prenons conscience de l’essentiel comme à travers sa phrase : « Se respecter, c’est mesurer le sacré de la vie, respecter la vie dans les autres, et garder à l’homme son visage humain. » (p. 50) Il veut la vie en union avec : « l’âme dans et par le corps, et le corps dans et par l’âme » (p. 51). Il nous demande de ne pas rester à rien faire car « L’ACTION CONDUIT À L’ESPOIR. » (p. 59) Il veut que nous soyons tous des êtres pensants, agissants, ne manquant jamais d’audace. (p. 64)
Il sait que celui qui se résigne, se détruit lui et ceux qui l’entourent (p. 77), alors il nous ordonne de refuser cet engrenage pour toujours aider les autres et « faire preuve de générosité. » (p. 77) Il nous veut tous combattant le laisser-aller, pour être tous des êtres qui ne baissent jamais les bras, pour « faire jaillir les forces de la vie. » (p. 78) Il sait que celui qui ne se bat plus, a perdu, est « COMME MORT » (p. 80) et il refuse que nous nous laissions tuer.
Il sait que nous ne serons pas forcément compris mais il nous dit de passer outre pour grandir toujours. Martin Gray garde le goût de l’exigence pour lui comme pour les autres. Il ne dit pas que cette position est de tout repos mais il sait que c’est le seul chemin à suivre (p. 94) car celui qui baisse les bras, régresse.
Le titre du chapitre 14 est à lui seul, empli d’une certaine sagesse philosophique : « Respecte et garde l’enfance en toi » (p. 100) car l’enfant s’émerveille du monde qu’il découvre et reste spontané. Comme lui, laissons toujours la porte ouverte pour ne pas nous refermer sur nous-mêmes, pour empêcher que : « La peur s’installe dans les villes. Chaque immeuble a son code, (…) son système de sécurité. » (p. 100) Martin Gray nous montre l’engrenage sournois de ce « repliement » et sa conséquence grave : « La régression et la guerre, le durcissement de l’être, d’une certaine manière la mort de la personnalité, sa sclérose en tout cas. » (p. 101) Il a compris que contre toute apparence, le faible peut être le plus sage : « Mieux vaut la faiblesse de l’enfant que la dureté vide et fragile de l’adulte inhumain. » (p. 103)
Il écrit : « Il y a dans l’élan qui soulève le corps et l’âme, quelque chose qui appartient à l’instinctif, au biologique. » (p. 115) Il nous conseille de prendre soin de notre corps et de notre âme, de ne pas rester passif. Il nous demande de toujours garder, contre vents et marées, contre furie et tuerie, « L’ÉLAN, L’ENTHOUSIASME, LA JOIE » (p. 114) et nous affirme directement : « Tu ne pourras alors trouver l’enthousiasme et garder l’élan que si ton corps reste en mouvement. » (p. 115). Pour Martin Gray, « Le corps et l’âme sont liés » (p. 115) ; ils sont les conducteurs de notre vie, eux seuls capables de nous donner l’énergie pour réagir. (p. 115)
Dans le chapitre 18, « Il te faut comprendre le monde » (p. 125), Martin Gray nous fait comprendre que dans toute situation, il faut toujours garder courage et résister sans nous lasser. Ainsi nous mettrons notre intelligence au service de notre âme pour construire à nouveau un monde de paix dès que cela sera possible.
Martin Gray soumet une question à notre réflexion : « Qui dit que nous n’avons pas déjà trop accepté d’inégalité, d’injustice, de barbarie ? » (p. 139) car il a compris par l’expérience que la vie n’existe pas sans « HUMANISER ET MAÎTRISER. » (p. 140)
Dans le chapitre 21, « Que ta sagesse soit action » (p. 141), il affirme : « Ne sois pas indifférent aux autres, si tu veux que ta vie ait une saveur. » (p. 144) Dans cet état d’esprit, il a alors construit « l’Arche du Futur » pour aider ceux qui sont mal dans leur peau à reprendre confiance en eux (p. 145) et il sait que chacun peut agir ainsi, avec sagesse.
Martin Gray nous engage à comprendre à travers sa propre expérience, que tout ne nous est pas donné de suite ; nous devons rester prêts, apprendre la patience pour saisir le bon moment, ne jamais perdre espoir. Obstination et volonté sont « LA SOURCE DE LA JOIE ET DE L’ÉNERGIE. » (p. 148)
Nous pourrions presque dire que la méditation vient de la nuit des temps puisque, par exemple, les premiers philosophes grecs datent d’un peu plus de 2500 ans ! « Un souffle dans l’immensité du temps des hommes ! » (p. 150) alors Martin Gray nous conseille de rester des êtres passionnés par la vie pour atteindre la sagesse.
Dans le chapitre 24, « Tu dois chasser la peur » (p. 156), Martin Gray répond à tous les incrédules, les désespérés qui pensent ne pas avoir la force de l’auteur. Martin Gray leur redonne confiance et leur montre qu’il est comme eux donc ils peuvent réussir : « Est-ce que je savais que j’allais trouver la force de me battre et de survivre ? » (p. 156)
Martin Gray sait que rien n’est jamais complètement perdu tant qu’il y a de la vie : « On ne conçoit pas la force immense qui est en nous. » (p. 157) Il sait que nous avons tous un chemin à suivre et que nous devons accepter celui de chacun : « LA DIGNITÉ ET LA GRANDEUR DE L’HOMME SONT DANS SA LIBERTÉ. » (p. 157)
Martin Gray nous montre que l’impossible est toujours possible. (p. 157) Cet oxymore donne pleinement son sens au mot « âme » qui a déjà permis à de nombreuses personnes d’évacuer la peur, de vaincre là où elle aurait dû mourir, corps et âme. (p. 158)
Pour celui qui n’arrive pas à vaincre ses peurs, Martin Gray nous demande alors de nous obstiner toujours et de rester hors de la crainte.
Dans le chapitre 26, « Garde en toi l’amour de la vie » (p. 165), il repousse le défaitisme destructeur pour soi et les autres : « AIME LA VIE, comme cet homme qui court, malgré la mort qui le guette à chaque coin de rue. » (p. 165) L’auteur sait qu’un souffle nous anime et comme « anima » signifie en latin, âme, nous pressentons que le souffle s’unit à l’âme.
Martin Gray nous incite à mettre à la première place « L’INCONSCIENT, LA FORCE INTÉRIEURE, LE SOUFFLE, LE SOUFFLE VENU DU PLUS PROFOND DE TOI » (p. 172). Dans ce sens, il nous demande de garder un cœur d’enfant pour sortir de nos frustrations (p. 166) et savoir encore rêver car le rêve nous permet de continuer à vivre, de reprendre souffle, de nous évader pour mieux revenir au réel ensuite et arriver à chasser la barbarie.
Martin Gray va à l’essentiel qui peut passer inaperçu pour d’autres : « LA MÉDITATION N’EST PAS IMMOBILITÉ. ELLE EST MOUVEMENT INTÉRIEUR DE L’ESPRIT, (…) ASCENSION DE L’ÂME VERS LE DIEU AUQUEL ON CROIT. » (p. 176) De même, il met à l’honneur « consolation et compassion, les mots essentiels de la vie. » (p. 186)
Il nous donne le sage conseil de lire, d’être curieux, enthousiaste sans nous laisser envahir par le déferlement d’images, d’informations à outrances mais de continuer de « créer » en lien avec les autres.
Martin Gray nous conseille de ne pas vivre de plus en plus vite et de donner sens à nos actes pour les enraciner dans du solide et de sortir de la loi du profit.
Martin Gray sait combien un humain peut exploiter l’autre alors il le clame haut et fort : « N’accepte jamais d’être utilisé, humilié, battu, lutte pour défendre ta vie » (p. 216). Il nous dit aussi de rester malgré tout des êtres de paix et de respecter l’autre quand il ne peut plus être néfaste pour nous.
Son livre de foi en l’humain qui veut aider le monde à vivre, se termine par une sorte d’hymne : « PRIE POUR FAIRE ENTENDRE TA VOIX UNIQUE DANS LE GRAND CHANT DU MONDE. » (p. 222)
3 février 2018
Catherine RÉAULT-CROSNIER
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