DES LIVRES QUE J’AI AIMÉS

 

DANS UN MIROIR OBSCUR

de JOSTEIN GAARDER

aux éditions du Seuil, 1997

 

Jostein GAARDER est un romancier norvégien qui a publié tout d’abord « Le monde de Sophie », essai philosophique accessible à tous et traduit dans de nombreuses langues. Son premier livre fut un grand succès. Son deuxième livre « Le mystère de la patience » a confirmé le talent international de cet écrivain. J’ai choisi de vous faire découvrir son troisième livre « Dans un miroir obscur » qui lui aussi, est imprégné de l’unité d’écriture de cet auteur.

Ce livre comme les deux autres, est étonnant par son histoire : on a l’impression de lire un conte pour enfants. Un enfant est le personnage principal. Il dialogue avec quelqu’un d’inhabituel, d’inconnu des adultes : un ange dans « Le miroir obscur », un joker dans « Le mystère de la patience », un personnage virtuel dans « Le monde de Sophie ». On entre dans un monde féerique mais le conte permet d’accéder à des pensées philosophiques très profondes : dans « Le miroir obscur », c’est le sens de la vie. La frontière entre la vie et la mort est alors symbolisée par un miroir qualifié d’obscur car on ne peut pas voir ce qui se passe de l’autre côté.

Une impression de paix se dégage toujours de ces réflexions intenses comme si, en analysant des pensées en profondeur et en simplicité, on pouvait parvenir à la sérénité.

Sous forme d’un dialogue entre l’enfant et un être étrange, -les autres personnages sont posés là mais sont presque accessoires-, l’histoire se déroule un peu comme une énigme à résoudre : ici, que fait cette petite fille dans son lit ? Que va-t-elle devenir ?

La fin supposée paraît toujours angoissante. Dans « Le miroir obscur », c’est la mort de l’enfant gravement malade. Mais le déroulement des entretiens permet d’obtenir cette même fin sans angoisse car « comprise », par exemple la mort non comme une fin totale contre laquelle on se débat mais comme un passage ( le miroir ) vers l’éternité qu’il nous reste à découvrir. Pénétrons donc maintenant dans le récit proprement dit de cette histoire émouvante.

 

L’histoire :

Cécilie est une petite fille gravement malade :

« si gravement malade que Noël était comme une poignée de sable qui lui filait entre les doigts ».

Ses parents préparent Noël. Elle est dans sa chambre et se rappelle les autres Noëls ; elle aussi, participait aux préparatifs, plus maintenant. Elle reste allongée dans sa chambre. Sous son oreiller, elle a glissé son journal intime pour lui confier toutes ses idées. Elle est lasse. Sa vie lui semble floue :

« Le sens de sa vie lui paraissait se résumer à l’image d’un facteur chancelant, se frayant un chemin dans la neige. »

Ses parents se relaient pour lui tenir compagnie et la réconforter. Pendant son sommeil, un ange vêtu de blanc, cogne à la fenêtre de sa chambre et vient lui rendre visite :

« Elle se frotta les yeux mais la silhouette vêtue de blanc ne s’effaçait pas. »

Au fur et à mesure de leurs rencontres, elle va avoir avec lui, d’étranges entretiens sur le sens de la vie, la mort. Elle ne comprend pas pourquoi elle est triste ; l’ange lui suggère :

« Nous pleurons quand quelque chose est triste, mais aussi quand quelque chose est beau. Quand quelque chose est amusant ou laid, nous rions. Peut-être que nous devenons tristes devant quelque chose de beau parce que nous savons que cette beauté n’est pas éternelle. Et nous trouvons drôle quelque chose de laid parce que nous savons que c’est juste pour rire ».

Cécilie a du mal à accepter qu’il existe peut-être un autre monde :

« Cécilie eut un frisson. ( ... ) Elle imaginait qu’il y avait un autre monde de l’autre côté du miroir. »

L’ange lui montre quelle chance elle a eu en naissant :

« Ce n’est pas nous qui venons au monde mais le monde qui vient à nous. Naître, c’est recevoir tout un univers en cadeau. »

L’ange essaie de lui faire prendre conscience qu’elle n’existe pas seulement d’une manière concrète, qu’elle a aussi une âme :

« Car l’œil est le miroir de l’âme et Dieu peut ainsi se refléter dans l’âme de l’homme. »

Et Cécilie voudrait savoir si elle existera après la mort :

« Alors notre âme est peut-être immortelle ! Elle est peut-être aussi immortelle que les anges du ciel. ».

« L’univers est un miroir, Cécilie, un miroir obscur. »

« Toutes les étoiles finissent un jour par mourir. Mais une étoile est une petite étincelle du grand feu de joie allumée dans le ciel. »

Grâce à l’ange Ariel, Cécilie passe presque imperceptiblement, de la vie à la mort, de l’autre côté du miroir et devient légère comme un papillon :

« Cécilie ne fut pas surprise outre mesure de se voir couchée, les cheveux blonds flottant sur son oreiller. ( ... )

- Tu es encore plus jolie quand tu es assise auprès de moi.

- Mais je ne peux pas me voir, car je suis à présent de l’autre côté du miroir. ( ...)

- Tu ressembles à un papillon somptueusement paré qui viendrait de s’envoler de la main de Dieu. »

Tout en douceur, la petite fille est partie dans un autre univers ; l’ange l’a accompagnée jusqu’au bout de sa vie terrestre. Maintenant elle ne voit plus son image, elle ne voit que son corps lointain étendu sur le lit en dehors d’elle. Elle est paisible. Son passage dans à l’au-delà devient aérien, féerique en même temps que profond. Le roman se termine dans la mort en même temps que dans la sérénité et la lumière. Saurons-nous, nous aussi voir avec les yeux du cœur, la profondeur de la vie ? Peut-être alors, pourrons-nous entendre la voix d’un ange pour guider notre passage à travers le miroir ?

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

11.03.1998