HOMMAGE À PHILIPPE DUBREUIL-CHAMBARDEL

PROPOSÉ À L’ACADÉMIE BERRICHONNE

 

Par Madame le Docteur Catherine RÉAULT-CROSNIER,
Membre du Haut-Conseil.

 

Monsieur le Président de l’Académie Berrichonne,
Mesdames, Messieurs les membres de l’Académie Berrichonne,
Mesdames, Messieurs,

 

Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL est décédé le 27 juin 2001 dans sa maison natale à Tours. Il venait d’avoir 79 ans. Il était membre de notre académie. À la demande de Monsieur le Président, Monsieur le Professeur Maurice PENIN DE JARRIEN, je voudrais lui rendre hommage. Élu depuis 1965, au titre de membre correspondant, Philipe DUBREUIL-CHAMBARDEL fut reçu en tant que titulaire lors de la séance solennelle de Blaye en Gironde, par le Professeur Gabriel SPILLEBOUT qui exerçait alors en tant que Secrétaire perpétuel et qui hélas, nous a quittés.

Je remercie tout d’abord tous ceux qui m’ont apporté leur aide dans cette démarche, Monsieur le Président de l’Académie Berrichonne, la sœur du défunt, Suzanne DUBREUIL-CHAMBARDEL qui m’a reçue chez elle, dans la maison familiale en toute simplicité, enfin le Professeur Émile ARON, Président de l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Touraine, membre de l’Académie Nationale de Médecine, Doyen Honoraire de la Faculté de Médecine et de Pharmacie et qui a bien connu Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL et son père Louis DUBREUIL-CHAMBARDEL, savant, médecin et chercheur d’une famille de la haute bourgeoisie tourangelle.

J’ai souvent rencontré Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL, principalement dans le cadre de l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Touraine. Il a été apprécié tout au long de sa vie pour « sa grande conscience et son attention pour les autres », comme nous le confie sa sœur Suzanne.

Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL est né le 20 juin 1922 à Tours, 3 rue Léonard de Vinci (anciennement rue Jeanne d’Arc). Il était le deuxième de trois enfants (Jeanne étant l’aînée, Suzanne la troisième). Sa mère, Geneviève DÉRIBÈRE-DESGARDES, était la fille d’un homme politique distingué. Quand il avait cinq ans, son père, Louis DUBREUIL-CHAMBARDEL meurt d’une pneumonie, à l’âge de 48 ans. C’était un homme de grande valeur, Professeur à l’école de médecine de Tours, élève du Professeur LEDOUBLE et un de ses fils spirituels, catholique fervent, savant passionné d’anthropologie et de préhistoire. Sa mort fut une perte incommensurable pour sa femme et ses trois enfants qui restèrent unis autour de son souvenir. Ceci explique qu’à l’âge adulte, Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL souhaitera partir à la découverte de son père, à travers sa vie et ses écrits et éditera un livre dont nous reparlerons plus loin.

À Tours, Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL fait ses études primaires et secondaires au lycée Descartes. Il aimait à préciser qu’il avait eu la chance d’avoir comme professeur de français, Léopold Sédar SENGHOR qui fut le premier professeur africain de ce lycée avant de devenir plus tard, un poète très connu et le Président du Sénégal.

Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL commence des études de médecine (pendant deux ans) mais il comprend que ce n’est pas sa voie. Licencié-ès-lettres, il fait alors des études de droit et devient un brillant avocat du Barreau de Tours. Il exercera durant de nombreuses années, sa profession et côtoiera de ténébreuses affaires qui lui serviront de trames pour sortir ensuite un livre sur les crimes passionnels en Touraine.

Marié avec Geneviève ROUSSEAU, il aura deux fils, Yves et Alain et six petits-enfants ; il accompagnera sa femme atteinte d’une sclérose en plaques jusqu’à la mort de celle-ci.

Durant sa vie, il fait partie de très nombreuses associations littéraires et caritatives dont l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Touraine, qu’il a créée à l’automne 1987 et dont il devint le Secrétaire Général, demandant au Professeur Émile ARON d’en assurer la présidence, l’Académie Berrichonne à partir de 1965, l’Alliance Française, la Défense de la Langue Française,… Il était Chevalier de l’Ordre National du mérite et exerçait en plus de son travail d’avocat, en tant que professeur à l’école des assistantes sociales.

Il commence à écrire en 1994 et publie « 500 ans en Poitou. La famille de Pierre Jacques DUBREUIL-CHAMBARDEL, député des Deux-Sèvres à la Législative et à la Convention » (éditions Bordessoules), sur les traces de ses ancêtres lointains. Il remonte jusqu’en 1500 où un de ses ancêtres s’appelait Jehan DUBREUIL. En 1614, une terre est achetée au lieu-dit « Chambardelle » (près de la Motte-Saint-Heraye). Ceci explique l’évolution de son nom en DUBREUIL-CHAMBARDEL. Au dos de ce livre, figure le dessin du blason familial losangé d’or et de sinople au chef d’or chargé de deux roses de gueules.

Son deuxième livre sort le 24 octobre 1994 aux éditions CLD et s’intitule « Grands procès en Touraine, assassins et voleurs, escrocs et bandits devant la justice ». Ici, c’est l’avocat qui parle et essaie de décortiquer les scabreuses affaires tourangelles qui ont tant défrayé les journaux. C’est une mise au point captivante, énigmatique où il n’est pas toujours facile de faire la lumière pour trouver le coupable ou pour avouer non l’innocence mais le manque d’arguments pour trancher, par exemple avec les assassins de Paul-Louis COURIER, le crime du quai Paul BERT, le crime de la cabane Bambou,…

En octobre 1998, paraît aux éditions CLD, « Louis DUBREUIL-CHAMBARDEL, grand savant et « honnête homme » ». Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL a voulu rendre hommage à ce père qu’il a tant admiré mais si peu connu. Il nous entraîne alors sur les traces de l’histoire du début du XXème siècle, et plus particulièrement sur les recherches médicales de l’époque. Il nous parle aussi d’anthropologie et de préhistoire. Il est vrai que son père fut médecin, maître illustre de l’École de Médecine de Tours, disciple du prestigieux professeur LEDOUBLE, chercheur, homme cultivé, savant et passionné, à la culture très vaste. Il fut par ailleurs Médecin-Chef pendant la guerre de 1914-1918 et fut nommé Chevalier de la Légion d’Honneur. Il organisa à Tours, le sixième Congrès préhistorique de France et publia en 1923, une excellente « Touraine préhistorique ». Il fut rédacteur en chef à la Gazette Médicale du Centre et ses articles de politique locale (dans la Touraine Républicaine) furent très appréciés.

Pour mieux faire connaître les écrits de son père, Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL fera éditer ses articles parus dans la Touraine Républicaine, « Une voix dans la ville » sous le pseudonyme que celui-ci avait à l’époque, Docteur Raoul LECLERC, du nom homonyme d’un médecin célèbre à Tours au XIème siècle. Dans ce gros livre, de nombreux thèmes sont abordés, de la médecine à la politique, de la religion aux sports. Un chapitre m’a intriguée : « Les parfums de Tours ». Non, il ne s’agissait pas d’une comparaison avec ceux de la ville de Grasse mais des odeurs désagréables du vieux Tours, par manque d’hygiène. Ici, le médecin se révolte à juste titre, de cette gêne mais aussi des risques induits et de leurs répercutions par la multiplication des bactéries sur la santé des gens.

Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL n’a pas été seulement un avocat et un écrivain. Il s’est engagé dans de nombreuses associations : il fut un Président rénovateur de l’Alliance Française, adhérent à de multiples associations dont la Société d’Études Supérieures de la Renaissance, les sociétés d’archéologie, de généalogie. Il participa aux travaux et séances de nombreuses Académies de province dont l’Académie Berrichonne. Il participa à de nombreuses actions d’associations caritatives, présida le Comité pour le Secours aux personnes âgées (CODERPA, Comité Départemental des retraités et des personnes âgées). Il fut le fondateur et premier président de l’UDASSAD (Union Départementale des associations de soins et services à domicile), Président de l’URIOPSS (Union Régionale des Institutions et œuvres privées sanitaires). Son charisme engagé n’est donc pas à démontrer et explique qu’il fut promu dans l’Ordre National du Mérite.

Croyant discret mais convaincu, Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL affronta à son tour courageusement la maladie et la mort, sans se plaindre, dans la maison où il était né. « Mon grand Phil », comme l’appelait sa sœur Suzanne, « tu avais toujours un mot gentil pour chacun. Je te remercie pour tout ce que tu m’as donné de vivre avec toi. » Nous aussi, lecteurs ou amis de Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL, nous tenons à te remercier pour tout ce que tu as pu apporter autour de toi, dans ta soif de connaissances et de profondeur d’esprit. Que cet hommage qui t’est rendu ici, te redise notre amitié, notre admiration et la permanence des sentiments au-delà du temps et comme le dit Léopold SÉDAR SENGHOR dans son livre « Œuvre poétique » :

« Tu reposeras dans le cœur du Christ, colibri y puisant de ta langue tubuleuse
Le nectar, dans la corolle du Christ. 
» (élégie pour Jean-Marie )

 

5 septembre 2001

 

Mme Catherine RÉAULT-CROSNIER

 

BIBLIOGRAPHIE :

Émile ARON, hommage à Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL lors de la séance de l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Touraine du 14 septembre 2001.

François BRAY, article du Courrier Français du 27 juillet 2001, Hommage à Monsieur Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL.

Suzanne DUBREUIL-CHAMBARDEL, texte lu aux obsèques de son frère, Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL, juin 2001.

Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL, 500 ans en Poitou. La famille de Pierre Jacques DUBREUIL-CHAMBARDEL, député des Deux-Sèvres à la Législative et à la Convention, éditions Bordessoules, 1994.

Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL, Grands procès en Touraine, assassins et voleurs, escrocs et bandits devant la justice, éditions CLD, 1994.

Philippe DUBREUIL-CHAMBARDEL, Louis DUBREUIL-CHAMBARDEL, grand savant et « honnête homme », éditions CLD, 1998.

Docteur Raoul LECLERC (Louis DUBREUIL-CHAMBARDEL), Une voix dans la ville, Présence graphique, Tours, 1998 (articles parus dans la Touraine Républicaine).

Léopold SÉDAR SENGHOR, Œuvre poétique, éditions du Seuil, Essais, Paris, 1998.