DES LIVRES QUE J’AI AIMÉS

 

LA PLANÈTE DES SINGES

 de Pierre Boulle

 

aux Éditions Julliard, collection Pocket, 1963, 191 pages.

 

Pierre Boulle (1912 – 1994), grand voyageur engagé dans les forces françaises libres est allé dans de nombreux pays d’Asie : Indochine, Chine, Birmanie… Ses livres ont servi d’inspiration pour des films dont Le pont de la rivière Kwaï et La planète des singes, l’un de ses romans à succès.

Dans ce livre, un couple de riches oisifs (p. 5) parcourt l’univers dans une sphère légère. Les deux astronautes sont toujours prêts à découvrir de nouvelles étoiles, de nouvelles terres. En cas de situations périlleuses, ils utilisent le système d’urgence et regagne « la fusée auxiliaire ». (p. 6)

Jinn et Phylis interceptent une bouteille jetée comme un « au secours » dans l’espace. (p. 8) Ils lisent le message : « Je confie ce manuscrit à l’espace, non dans le dessein d’obtenir du secours, mais pour aider, peut-être, à conjurer l’épouvantable fléau qui menace la race humaine. Dieu ait pitié de nous… ! » (p. 10)

Des astronautes découvrent une planète où l’air est respirable. D’étranges habitants tout nus y habitent, « barbotant, s’ébrouant, tous avec un visage sérieux ». (p. 32) Viennent-ils de trouver des êtres doués de pensées ? Quand ils essaient d’approcher, les autres s’enfuient. Comme leur matériel, leurs vêtements font peur à ces singes et mettent leur vie en jeu, ils finissent par se dévêtir et à abandonner tout. Au moment de manger, ces voyageurs sont écœurés en assistant au repas de viande crue que les habitants d’ici déchiquètent avec leurs dents. (p. 38) Une seule femme au physique de rêve, Nova « étrangement belle et incroyablement inconsciente » (p. 39), les regarde en refusant leurs regards, grimpe dans un arbre et fait tomber de nombreux fruits au sol. Elle en dévore certains. Affamés, ils se jettent sur les autres et sont rassasiés puis ils boivent l’eau d’un ruisseau. (pp. 38 et 39)

Plus tard, ils survivent à un effroyable massacre prémédité. De nombreux humains pris au piège, sont morts, tués par des singes (p. 52). Ils en ressortent vivants mais ils ont perdu leur autonomie. Ils sont séparés, encagés à côté d’autres captifs. Le narrateur retrouve celle qui lui a donné à manger et qu’il a nommée Nova. Elle rampa et se pelotonna contre lui. Il essaye de la regarder mais elle détourne toujours les yeux. (p. 58)

Contrairement aux autres détenus qui maintenant agissent par réflexe comme des automates pour obtenir leur repas, il reste différent, humain. Il intrigue les singes qui concluent malgré tout, qu’il se comporte ainsi par réflexe comme les autres prennent le sucre offert. Nova, elle, à son contact, commence à lui « lancer des regards furtifs. » (p. 63) Il finit par être attiré physiquement par Nova : « Je sentais que je ne pourrais supporter la vision de ma nymphe livrée à un autre homme. (p. 84)

Une guenon, Zira, s’intéresse à son cas et défend sa cause ; elle recherche même son amitié. (p. 76) Elle reste discrète pour ne pas mettre la vie de cet homme en jeu mais elle l’aide. (p. 90) Il apprend peu à peu le langage simien. (p. 91) Grâce à Zira, il a le droit de circuler en ville mais seulement avec elle et attaché à une laisse au cas où il serait dangereux. (pp. 96 et p 97) Elle lui demande pardon de douter de lui « j’oublie toujours que tu as l’esprit comme un singe. » (p. 97) Peu à peu, ces animaux l’acceptent.

Dans l’euphorie d’avoir le droit à la parole et de plaider en public, il n’oublie pas Nova (p. 137) mais trouve à peine le temps de la voir : « J’arrive enfin devant la cage où Nova végète à présent, solitaire et triste ; (…). » (p. 137)

Un singe-chercheur, Cornélius, essaie de comprendre le point de vue de cet homme qui lui affirme que les hommes sont plus intelligents que les singes, fait incompréhensible pour eux mais lui, reste ouvert à d’autres possibilités. (p. 140) Les singes étant établis ici depuis « plus de dix mille ans » (p. 144), Cornelius a du mal à concevoir que les humains ont fait mieux qu’eux sur terre.

Lors de recherches sur un chantier de fouilles d’une ancienne cité « ensevelie sous les sables du désert » (p. 143) et après moult recherches infructueuses, Cornelius découvre un objet étonnant, « une poupée, une simple poupée de porcelaine. Un miracle l’a conservée presque intacte (…), une poupée humaine, qui représente une fille, une fille de chez nous. » (p. 145) « les jouets des petits singes figurant des animaux ne sont pas en porcelaine ; et surtout, en général ils ne sont pas habillés ; (…). » (p. 145). De plus, son mécanisme ayant résisté au temps, elle parle. Elle est une preuve de la venue des hommes sur cette planète. (p. 146) Ce chercheur comprend alors que les singes ne sont que de simples imitateurs. (p. 154) Comment les hommes ont-ils pu disparaître ici ? Peut-être eux aussi, émergeront-ils un jour « de la bestialité » ? (p. 155) Alors il retourne parler à ses amis encagés, espérant pouvoir les sauver (p. 156) mais Nova n’est plus là. Zira lui dit qu’elle est « souffrante » puis précise « enceinte ». (p. 157)

Quand il peut enfin la voir, ce moment est intense d’émotion car le regard de Nova « a acquis une intensité nouvelle (…). » (p. 163) Il remarque : « elle bredouille péniblement les syllabes de mon nom, que je lui avais appris à articuler ». Il s’exclame : « Elle n’a pas oublié mes leçons. Je suis inondé de joie. » (p. 163)

Peu après, il admire son garçon : « Je l’ai vu. C’est un bébé magnifique. » (p. 178) La guenon qui les a aidés, le raccompagne, « en essuyant une larme d’émotion. » (p. 179) Le Conseils des singes n’est pas enthousiasmé par cette naissance. Peut-être a-t-il peur de perdre le pouvoir ? Ce père humain court un grand danger. Cornélius ému, prépare activement son départ vers la terre en urgence pour le sauver : « Il faut fuir. Il faut quitter cette planète (…) Il faut retourner chez toi, sur la terre. Ton salut et celui de ton fils l’exigent. » (p. 183)

Avant de partir, il remercie la guenon Zira de son aide. Cornélius lui répond : « C’est à elle que vous devez la vie. Seul, je ne sais pas si j’aurais pris tant de peine et couru tant de risques. » (p. 184) Oui, cette guenon, contrairement à l’avis de certains qui ont pu croire qu’elle agissait par mimétisme, a une pensée forte. Alors Nova, l’enfant et le père, partent pour retourner sur terre. Tout se passe bien mais dès qu’ils sont posés au sol, un immense problème apparaît quand leur chauffeur se tourne vers eux : « Nova pousse un hurlement, m’arrache son fils et court se réfugier dans la chaloupe ». (p. 190) Alors tombe la vérité terrestre : « C’est un gorille. » (p. 190)

Le couple de riches oisifs, Jinn et Phylis, présents au début du livre, réapparaissent et relèvent la tête, émergeant du manuscrit, pour nous donner la sentence finale : « Une belle mystification » (p. 191) «  (…) Des hommes raisonnables ? Des hommes détenteurs de la sagesse ? Des hommes inspirés par l’esprit ?… Non, ce n’est pas possible ; là, le conteur a passé la mesure. Mais c’est dommage ! ». (p. 191) Puis tous deux repartent en voyage et il nous reste la chute finale, si inattendue. Ce mâle a les « oreilles velues » et cette femme avec « son poudrier » (p 191) a un « admirable mufle de chimpanzé femelle » (p. 191).

 

Février 2020

Catherine RÉAULT-CROSNIER