Académie du Berry

Séance solennelle du 13 avril 2013 au château de Valençay (Indre)

 

Remise du prix annuel de l’Académie 2013,
à Laure Mandraud

 

Réponse de Laure Mandraud

 

Madame, je vous remercie ainsi que le président de l’Académie du Berry, de votre bienveillance à mon égard et vous me voyez honorée et émue d’être avec vous aujourd’hui. Honorée, car le choix que vous avez fait de valoriser mon travail devant cette très estimable assemblée me semble un présent dont la valeur outrepasse largement celle de mon mérite. Et je le dis en toute sincérité.

Lors de la remise du prix annuel de l'académie du Berry 2013, le 13 avril 2013 au château de Valençay.

Lors de la remise du prix annuel de l’académie du Berry 2013.
Laure Mandraud lauréate 2013
, prononce son discours de remerciement.

Je suis émue, car je ressens intensément le bonheur d’être accueillie et de partager des idées, des passions et l’amour du Berry que rehausse à mes yeux la présence inaltérable de George Sand.

Grâce à vous je perçois au plus profond de moi-même la force et la chance de cet enracinement. Je dois beaucoup au Berry. Je lui dois des parents aimants et confiants qui ont favorisé mon éveil à toutes les formes d’art. Je dois au Berry mes premières émotions artistiques dans le domaine de la musique d’abord puisque, vielleuse aux Gâs du Berry, je me trouvais souvent à Nohant et y revenais pour les concerts classiques à la Grange. Quel émerveillement pour la petite violoniste que j’étais d’entendre Augustin Dumay et Jean-Philippe Collard dans la sonate de Franck !

Et puis il y avait le théâtre populaire des Gâs du Berry. Je leur dois mes premiers pas sur les planches dans le rôle de Brûlette, l’héroïne des Maîtres Sonneurs et le souvenir inoubliable des soirées de plein air à danser et jouer sous les fenêtres de la Bonne Dame. C’est là qu’est née ma passion pour le théâtre et pour George Sand.

Cette immersion sandienne, je la vivais sans beaucoup de conscience. Je lisais du George Sand comme on fait du vélo, sans y penser mais en aimant. Et puis j’ai découvert l’album Sand de la Pléiade que j’ai lu avidement, découvrant une vie de femme et d’écrivaine hors du commun. Cette lecture m’a révélé une chose essentielle. J’ai compris que rien n’était joué dès le départ et que George Sand avait livré un combat de chaque instant pour se construire, pour exister, pour être libre. Je n’avais qu’à en faire autant !

La passion du théâtre chevillée au corps, une maîtrise de la langue de Shakespeare en poche, je décidai de me lancer malgré l’extrême anxiété de mes parents qui me voyaient plutôt faire un Diplôme d’Études Approfondies. La suite, vous la connaissez… Comme l’écrit George Sand dans Consuelo « les routes de l’art sont encombrées d’épines, mais on parvient à y cueillir de belles fleurs ».

Mais un jardin que l’on fait pour soi-seul n’en est pas un. Au cœur de ma passion pour le théâtre, il y a toujours eu le désir du partage, encore un héritage sandien, et c’est par l’enseignement de l’Art Dramatique qui s’ouvre comme espace d’exploration et de liberté que j’ai trouvé le moyen de rester en lien avec les jeunes générations. Il y a, vous l’avez signalé, ce missionnement dans les collèges pour travailler avec des jeunes sur le théâtre et la lecture mais je ne saurais oublier en Berry, les magnifiques projets auxquels Danielle Bahiaoui, amie de longue date, m’a associée pour le rassemblement des lycées George Sand de France et la célébration du bicentenaire de la naissance de George Sand en 2004. Ces moments de théâtre intenses sont inoubliables. Ils marquent à jamais, les jeunes lycéens qui y ont participé.

Aussi me paraît-il essentiel de continuer à faire entendre notre langue française à travers ses auteurs, à les rendre accessibles au plus grand nombre, à trouver le moyen de susciter la curiosité, le désir de culture. Ces valeurs resteront à jamais au cœur de mes préoccupations.

Et puis, et je terminerai par cela, vous avez souligné mon goût pour le répertoire classique. J’y ajouterai celui de l’histoire. Lire George Sand, c’est aussi entrer dans l’histoire sociale et politique du 19ème siècle et inévitablement s’interroger sur la place des femmes. Elles occupent une place centrale dans mes créations. Je me suis intéressée aux conditions matérielles et morales qui ont formé la personnalité et le génie de George Sand. J’ai exploré la nature singulière de « l’être au monde » de Simone de Beauvoir. Je vais prochainement me pencher sur la vie des femmes pendant la guerre de 14-18 et ce faisant continuer de méditer sur cette petite phrase du peintre Garouste : « Ce qui m’intéresse dans l’avenir, c’est la construction du passé. »

 

En hommage au Berry, j’ai choisi de vous lire à deux voix un extrait des Maîtres Sonneurs de George Sand qui met en scène Joset le cornemuseux, archétype de l’artiste « qui paraît toujours regarder des choses que les autres ne voient pas » et Brulette évoquant la vision qu’a fait naître en elle la musique endiablée du jeune cornemuseux.

Yannick Nédélec et Laure Mandraud interprétent un extrait des Maîtres Sonneurs de George Sand.

Lors de la remise du prix annuel de l’académie du Berry 2013.
Yannick Nédélec et Laure Mandraud interprétent un extrait des Maîtres Sonneurs de George Sand.

 

Lire le discours de remise du prix par Catherine RÉAULT-CROSNIER